TROISIEME PARTIE
POUR LES FRANÇAIS : LES REMEDES AU MALAISE

III. La condition de la réussite : Le gouvernement par ordonnances, la main ne doit plus trembler !

S’engager à gouverner, c’est proposer aux Français, comme l’avait fait en son temps cet homme remarquable que fut Pierre Mendès France dans La République moderne, un véritable contrat de gouvernement.

Ce contrat doit revêtir trois dimensions.

D’abord, avec le peuple français. C’est tout l’enjeu de la campagne électorale. Le candidat de la droite et du centre, vainqueur de la primaire en novembre 2016, aura six mois pour proposer aux Français une vision qui explique le monde dans lequel on est entré, un programme complet de mesures pour le prochain quinquennat et surtout une méthode de gouvernement.

L’objet principal de ce projet sera, on l’a vu, de redonner à notre pays la maîtrise de son destin, la souveraineté de ses choix, pour peser dans le concert européen et mondial, bien sûr, mais aussi pour permettre à chaque Français de dessiner sa propre trajectoire, de s’inscrire dans cette dynamique. J’évoquerai plus loin dans ce livre son contenu, mais je veux ici approfondir la méthode car elle est fondamentale et non pas, comme beaucoup l’ont laissé dire pendant trop longtemps, accessoire.

Je poursuis. Ce programme, et c’est sa force, sera assorti d’un agenda, d’un calendrier et d’un outil de mise en œuvre institutionnel qui, seul, garantira son succès : le « gouvernement par ordonnances ».

Je l’ai évoqué dès août 2013 à Châteaurenard. Aujourd’hui j’en ai la conviction : c’est la condition sine qua non du Sursaut français.

Lorsque le général de Gaulle arrive au pouvoir en juin 1958, la France – on l’a oublié aujourd’hui – est au bord du chaos. Si le travail de reconstruction du pays a été bien engagé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France se retrouve, treize ans après, avec des déficits publics énormes et une monnaie dépréciée. Elle est encalminée dans une guerre d’Algérie douloureuse et des dizaines de milliers de jeunes Français du contingent y sont envoyés, au péril de leur vie.

En outre, l’instabilité ministérielle chronique (vingt-cinq gouvernements en onze ans et sept mois) et les violences dans les rues, notamment à Paris, rendent le climat général intenable.

De Gaulle est accueilli avec les plus grandes réserves par la classe politique qui le soupçonne de « commencer une carrière de dictateur ». Mais ce n’est pas avec son uniforme militaire qu’il revient au pouvoir. C’est avec un programme complet de mesures qu’il met en œuvre en six mois par ordonnances. Et c’est l’instrument des ordonnances, indispensable à ses yeux parce que rapide et efficace, qu’il fera inscrire à l’article 38 de la Constitution, assurant ainsi que les gouvernants de la Ve République aient toujours les moyens de mener à bien leur politique.

Le gouvernement par ordonnances est la garantie que le contrat de gouvernement avec les Français sera rapidement et intégralement rempli.

C’est là qu’intervient la deuxième dimension du contrat de gouvernement : avec le Parlement.

Que dit l’article 38 de la Constitution ? Que le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement de l’autoriser à prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces ordonnances sont applicables immédiatement mais, pour demeurer en vigueur, elles doivent être ratifiées par le Parlement dans un délai qu’il a lui-même déterminé.
Donc, sur la base du programme électoral (contrat avec les Français), le gouvernement fixe avec le Parlement la liste, les modalités et le calendrier des ordonnances, de telle sorte que l’agenda est connu de tous. Soyons concrets. Le nouveau président de la République est élu en mai 2017. Il nomme un gouvernement chargé de préparer les ordonnances, tandis que la campagne pour les élections législatives se déroule.

L’Assemblée nationale nouvellement élue est invitée dès le début juillet à autoriser le gouvernement auquel elle aura voté la confiance à légiférer par ordonnances. Celles-ci, comprenant l’essentiel des engagements que le peuple français vient d’approuver en élisant son nouveau président, sont immédiatement applicables puis ratifiées.
Ainsi, dans les six premiers mois du quinquennat, des décisions essentielles – concernant, par exemple, le temps de travail, le code du travail, la fiscalité, l’éducation, les retraites –, retardées depuis des années parce que la main de nos dirigeants tremblait, deviennent effectives, opérationnelles, acquièrent force de loi et peuvent commencer à produire des résultats.

C’est d’efficacité qu’il s’agit. Élu sur un programme électoral précis, le nouveau président de la République ne pourra ni ne devra plus tergiverser. Certains proposent de recourir au référendum. Pour ma part, j’y vois du temps perdu. Non pas bien sûr du temps perdu à demander aux Français de décider, mais du temps perdu parce que c’est en élisant le nouveau président de la République qu’ils auront décidé ! Une fois encore, soyons concrets. Le président de la République est élu en mai 2017 sur un programme précis. Pourquoi attendre le mois de septembre ou d’octobre pour adopter les actes qui permettent de le mettre en œuvre ? Pourquoi demander aux Français de confirmer la feuille de route qu’ils ont choisie ? Pourquoi, alors que nous avons déjà pris tant de retard, faire le choix de ne pas gouverner la France pendant quatre mois ? Gouverner, c’est agir ! Et l’élection présidentielle aura déterminé le sens de cette action.

Reconsidérer en permanence ces choix, c’est choisir l’immobilisme. Les réformes ne sont pas faites, l’incertitude demeure et, faute de certitudes, la France ne peut parler d’une voix claire, à l’intérieur de ses frontières, en Europe et dans le monde. En bref, on peut se demander si ceux qui proposent de renvoyer à un référendum toutes les questions les plus essentielles ne cherchent pas surtout, une nouvelle fois, un alibi pour ne pas faire. Quant à l’exemple grec, il montre, s’il en était encore besoin, combien les référendums et les élections à répétition fragilisent...

Vous l’avez compris, c’est l’action immédiate que je privilégie. L’action, puis l’évaluation.
Et c’est alors enfin que vient la troisième dimension du contrat de gouvernement. Elle implique cette fois les Français qui seront directement concernés par les mesures prises par ordonnances ainsi que ceux qu’ils auront délégués pour dialoguer avec les pouvoirs publics. Il s’agit ici de donner leur vrai rôle aux organisations syndicales et patronales, aux ordres professionnels, au secteur associatif, à la fonction publique, mais aussi à tous ceux qui voudront participer à ce dialogue.

La nouveauté reposera sur l’objet du débat : les résultats. Nous n’évoquerons plus l’opportunité de prendre ou non une décision, avec son cortège d’a priori, de tensions ou de caricatures ; celle-ci aura tout de suite été adoptée. Le débat se fera au bout d’un an et ensuite régulièrement sur l’évaluation de la mise en œuvre de la décision.
Évidemment, pour que cela ne demeure pas un vœu pieux, il faut s’en donner les moyens et se doter de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments. En premier lieu, l’évaluation suppose que soient diffusées toutes les informations, au fur et à mesure qu’on en dispose, sur la mise en œuvre des réformes. L’outil numérique le permet : chacun des ministères consacrera une partie de son site Internet à la présentation des réformes qu’il porte et, en temps réel, à la diffusion des éléments permettant d’en mesurer les effets. C’est la logique d’« accountability » que connaissent bien nos voisins anglo-saxons : gouverner, c’est rendre des comptes. En deuxième lieu, le même outil devra offrir aux citoyens la possibilité de réagir aussi bien aux résultats présentés qu’en faisant part de leur propre expérience de la réforme menée dès lors qu’elle les concerne directement. En troisième lieu, dans la dernière année du quinquennat, seront mises en place des conférences de consensus auxquelles participeront responsables politiques, professionnels du secteur concerné, experts mais aussi et surtout des citoyens, sur la base d’une grille d’évaluation établie à partir de l’exploitation des données que les ministères auront consolidées.

Bref, nous serons déjà dans une logique de... résultat et d’évaluation.
En procédant ainsi, nous bouleverserons complètement la nature de l’action politique, donnant toute sa cohérence à l’articulation entre le programme électoral et sa mise en œuvre.

C’est aussi une manière d’enrayer deux graves erreurs qui ont pu être commises par le passé et dont l’interprétation relève là encore de l’analyse psychologique.
La première erreur pour un président nouvellement élu c’est d’être obsédé par la volonté de séduire les Français qui n’ont pas voté pour lui. C’est la mauvaise approche de l’esprit de rassemblement. C’est penser que l’on doit essayer de rassembler sur sa personne. Alors qu’on ne peut espérer – et encore ! – rallier ses opposants que de manière temporaire sur un sujet donné.

Ainsi s’explique cette manie très française de nommer au lendemain de son élection des commissions dont l’objet est de réfléchir et de proposer au nouveau président de la République des mesures sur l’opportunité desquelles il est pourtant censé avoir été élu !
Ce fut le cas de la commission consacrée à la « compétitivité de la France ». Nicolas Sarkozy, dès son élection, en a confié la présidence à Jacques Attali dont la sensibilité de gauche est connue. Le travail de cette commission n’est pas en cause, ni son président que je connais et que j’apprécie. Mais lorsqu’on lit ses conclusions, rédigées par... Emmanuel Macron et remises en janvier 2008 au terme de sept mois de travaux, on mesure qu’elles sont toutes de bon sens et qu’elles auraient pu être immédiatement appliquées par ordonnance au lieu d’être annoncées une par une pour faire l’objet d’un tir de ball-trap qui les a presque toutes conduites à être enterrées... Immense occasion manquée du quinquennat précédent.

La seconde erreur, c’est de penser que l’on peut étaler dans le temps d’un quinquennat les réformes importantes. Je le répète, le temps utile à la prise des décisions importantes est très court. Le temps d’une procédure législative ordinaire pour une loi, entre le moment où elle est annoncée et le moment où elle est applicable, décrets compris, n’est jamais inférieur à quinze ou dix-huit mois. Il faut donc utiliser cette procédure avec mesure, ce qui conduira d’ailleurs à faire beaucoup moins de lois, à réduire le temps de session (notamment extraordinaire) à Paris et renforcer la mission d’évaluation du Parlement.

Pourquoi, alors que cela paraît si simple, ne l’a-t-on jamais fait auparavant ? Pour la mauvaise raison que l’on présente les ordonnances comme un instrument réduisant le rôle du Parlement. Deux fois faux : d’une part, parce que, du début à la fin de la procédure, le Parlement est associé à leur élaboration ; d’autre part, parce qu’elles per- mettent au Parlement de réinventer le rôle qui devrait être le sien en consacrant davantage de temps au contrôle et à l’évaluation.

Dans cet esprit, avec cette méthode, le quinquennat n’aura plus du tout la même perspective. La première année aura été consacrée à appliquer les décisions prises dès les premiers mois et destinées à déverrouiller notre pays. Les quatre années suivantes seront dédiées à faire en sorte que toute une nation se mobilise pour les mettre en œuvre.

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