Pourquoi ce blog ?
En juin 2014, je me suis demandé si je devais tout arrêter. Renoncer face à la violence des attaques, l’ampleur des calomnies. Bien sûr, j’avais parfois été caricatural. Mais là, j’étais tellement caricaturé, sali. A quoi bon continuer ? En avais-je l’envie, la capacité, la force même ? Je me suis longuement posé ces questions. Sérieusement, en conscience.
Jusqu’à présent, ma conception de la politique avait été celle d’un parcours initiatique au service de mon pays, avec une progression palier par palier : maire, député, ministre, président de parti…
Là, tout s’effondrait brutalement. Trop de violence, de jalousie, de haine.
Si malgré les injures et les mensonges publics, je souhaitais poursuivre le combat au service de cette France qui m’a tant donné, alors je ne pouvais plus faire l’économie d’une profonde remise en cause. Une remise en cause que je sentais nécessaire depuis longtemps, mais que j’avais toujours reportée, par manque de temps et aussi peut-être, avouons-le, par manque de volonté.
Bien sûr, j’ai passionnément aimé présider ma famille politique. J’ai aimé le choc des idées, la chaleur humaine des militants, leur engagement total, désintéressé, courageux. La politique, c’est la réflexion puis l’action. Mais ce sont aussi des rencontres, une grande aventure humaine. Pourtant, de là où j’étais, les limites de la politique à « l’ancienne » m’apparaissaient clairement. Des limites qui n’épargnent personne et qui concernent tous les partis, des plus centristes aux plus extrêmes : le peu d’emprise des appareils partisans hors du petit monde politique, les combinaisons et la lutte des egos plus forte que la formulation de solutions pour les Français, la recherche de compromis au prix d’incompréhensibles contorsions idéologiques, le goût irrésistible de la petite phrase « qui tue », la course aux matinales et aux chaînes infos, le décalage grandissant entre les beaux discours parisiens et la réalité du quotidien en France… Mais comment changer tout cela quand on est accaparé par les servitudes d’un parti politique ?
Alors, ce recul politique qui s’impose, oui, c’est une épreuve. Mais si, paradoxalement, cette épreuve était aussi une vraie chance ?
Une chance pour souffler. Pour redevenir moi-même. Pour trouver des réponses à la question lancinante que me posaient, un peu tristement, tant de mes administrés à Meaux : « pourquoi l’homme que l’on connait et que l’on aime ici, apparaît-il si différent, si arrogant à la télé ? » Une chance pour comprendre aussi et surtout quelles peuvent être les racines de ce malaise qui sinistre la politique et désenchante notre pays.
Dès l’été, j’ai pris ma voiture avec ma famille et nous sommes partis retrouver un peu de ce contact simple, direct et franc, avec les Français. Ce contact qui me manquait tant dans le tourbillon médiatique parisien.
Nous sommes allés dans ce Massif central qui a donné Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac à la France. J’ai vu des gens heureux dans leur vie personnelle mais souvent déçus, désabusés, voire dégoûtés par la politique. J’ai vu des Français résignés ou désespérés qui ne voyaient plus d’issue pour notre pays, qui s’inquiétaient pour leurs enfants. J’ai entendu, ce sont leurs mots, des compatriotes qui me disaient, sans haine mais froidement : « on ne vous croit plus », « la droite et la gauche, c’est pareil, ça fait trente ans qu’elles échouent », « il ne nous reste plus qu’à renverser la table », « si on ne réagit pas maintenant, après nous serons foutus… »
Je les ai longuement écoutés. J’ai réalisé que mon devoir était de comprendre et d’analyser ce désespoir. De ne pas le rejeter. D’assumer un regard critique sur nos échecs. De me mettre à l’écoute, de chercher, de trouver avec eux des solutions pour sortir de l’impasse. En un mot, de faire de la politique autrement.
Alors je me suis astreint à une discipline : du silence, du travail, du terrain. Plus de politique politicienne. Plus de médias. Du fond. Prendre le temps.
J’ai pris mon bâton de pèlerin. Depuis près de 9 mois maintenant, je parcours cette France dite « périphérique » : Cantal, Cher, Dordogne, Oise, Corrèze, Vaucluse, Nord… Cette France si belle, mais parfois délaissée où les Français qui y vivent se sentent souvent tenus à l’écart, victimes de la mondialisation, alors qu’ils possèdent en eux tant d’atouts et d’énergie. Je rencontre aussi des chercheurs ou des entrepreneurs « connectés », leaders dans leurs domaines, qui réfléchissent parfois à construire leur avenir ailleurs. J’échange avec des experts qui se projettent dans les 30 ans qui viennent. Génération France, club que j’ai lancé en 2006, a entamé un cycle régulier de réflexions passionnantes, avec une liberté d’expression totale, sur l’Education, la politique internationale, la lutte contre le terrorisme… Avec mon équipe municipale, j’ai redoublé d’efforts à Meaux, cette ville populaire et généreuse, que j’aime profondément. Un concentré de France planté dans la Brie, mais à quelques kilomètres de Paris. Je donne un cours à Sciences-po. Certains étudiants sont français, la plupart sont étrangers. On y parle d’économie, de droit, de mondialisation. C’est l’occasion d’une stimulante émulation intellectuelle. D’une ouverture sur le monde. Et puis je me rends aussi à l’étranger pour m’inspirer de ce qui fonctionne là-bas, sans jamais oublier que tout n’y est pas forcément toujours plus beau qu’en France.
Cette recherche ne fait que commencer. A ce stade, les questions sont toujours plus nombreuses que les réponses. Cette démarche ne doit pas être solitaire. Je vais donc la poursuivre, ici, avec vous, sur ce blog. Dans un esprit libre et collectif. Avec patience, humilité et interaction. Parce que la France de demain n’a pas besoin d’un homme providentiel, mais a d’abord besoin de croire viscéralement en elle et d’inventer ensuite des solutions partagées qui la remettent debout. Ensemble nous devons créer les conditions d’un sursaut français. C’est plus tard, une fois cette réflexion achevée, que viendra pour moi, à nouveau, le temps de l’action.
Au travail !
A très bientôt.