Conclusion

POUR UNE FRANCE DECOMPLEXEE

Nous voici arrivés à une étape du chemin tout au long duquel j’ai souhaité que vous m’accompagniez. Une plongée que j’ai voulu que nous fassions ensemble au milieu et au cœur des Français pour apprendre et comprendre, mais surtout pour imaginer et proposer. Autant vous dire que ces dernières feuilles ne sont pas vraiment une « conclusion ». C’est plutôt un point d’étape, ce moment où, alors que l’on sait que la route reste longue, on prend le temps d’un premier bilan pour identifier l’objectif et déterminer les voies qui permettent de l’atteindre, ensemble et sans laisser personne sur le bord de la route.

Un lundi d’octobre 2015, alors que la rédaction de ce livre est presque achevée, je dîne avec l’imam d’une grande ville française, dont j’ai lu les écrits et dont j’admire la sagesse et la culture. Tandis que je partage avec lui quelques- unes des réflexions que je viens de vous livrer, je l’écoute disserter avec humour sur le « tempérament français ». Je lui confie aussi des interrogations plus personnelles sur les fondements et le sens de l’engagement politique.

Enhardi par la bienveillance qui est la sienne, je me lance : « Si vous aviez trois conseils à me prodiguer, que me recommanderiez-vous ? »

Sa réponse est rapide et sans hésitation : « D’abord, ne soyez plus clivant, car vous aurez besoin de tout le monde ; ensuite, soyez intransigeant sur les principes, les Français attendent de leur chef de l’ordre, une forme d’autorité qui tranche avec l’autoritarisme des faibles ; enfin, soyez dans votre action comme dans votre discours en harmonie avec ce que vous êtes et ce en quoi vous croyez profondément. »
Accident, épreuve, résilience, silence, écoute, rencontres, découverte, bienveillance, pragmatisme. Tels sont les mots qui ont jalonné mon chemin depuis dix-huit mois sur les routes de France.

Ce livre en est le reflet sincère et sans fard. J’en ai tiré des enseignements que je veux partager avec vous.

Sur moi-même d’abord. Cette conscience que l’on est faillible. Que l’on a le droit de dire « je ne sais pas ». Et que l’épreuve est le test pour mesurer jusqu’à quel point on est prêt à donner de soi-même pour la France. Je vois bien les choses qui ont bougé dans ma tête : l’écoute, le silence. Relativiser les choses. Méditer le choc des épreuves sans jamais – une fois le temps passé – laisser de place à la rancœur ou à l’amertume. Hiérarchiser les difficultés. Jouer toujours plus collectif. Sans jamais renoncer à être exigeant vis-à-vis de soi-même et plus indulgent vis-à-vis des autres. La vie politique est violente. Je l’ai – plus brutalement que d’autres peut-être – appris à mes dépens. Mais la vie politique n’est pas la vie et la violence qui aujourd’hui la nourrit et dont elle-même se nourrit ne résout rien des difficultés des Français. Pire, elle les éloigne de ceux qui ont pour mandat – pour mission – de les représenter en leur laissant penser que, pour les hommes politiques, les querelles de personnes ont plus d’importance que l’avenir du pays.

Alors, le cœur avant l’intelligence ? Oui, bien sûr. Sans hésiter. Ou bien plutôt, l’intelligence du cœur, celle des hommes et des situations, celle qui, à l’opposé de l’examen froid et clinique, sait faire preuve de cette capacité d’adaptation qu’incarnent bienveillance et pragmatisme.

Et aussi la très exacte conscience de ce à quoi je ne renoncerai pas : les valeurs auxquelles je crois depuis toujours ; mon amour de la France ; le besoin et l’envie de demeurer au milieu des Français, au cœur de la cité ; le besoin de servir ; la force que je puise de ma famille et de son histoire.

Mais, ensuite et surtout, des enseignements sur la France. Sur la France de cette année 2016. Et des enseignements pour ce que la France sera – et doit être – demain.

J’ai vu une France paniquée.

Les Français sont à bout de nerfs. Étranglés d’impôts et de charges, affolés par les menaces multiples, du terrorisme au dérèglement climatique en passant tous azimuts par le poids de la dette publique et les vagues migratoires ni organisées, ni assumées.
Oui, l’inquiétude première a trait pour les Français à l’avenir de leurs enfants. Que sera la France quand ils seront adultes ? Comment vivront-ils ? Vont-ils s’en sortir ? Qu’est-ce que cela signifiera alors d’être français ? Comme lorsqu’on se sent vieillir et que l’on ressent une sorte de vertige dès lors que l’on essaie de mesurer si les enfants que l’on a mis au monde auront, par l’éducation qu’on leur a donnée, la capacité et la force de prendre la relève, la confiance en eux nécessaire pour réussir leur vie.

J’ai vu une France segmentée.

Il m’est souvent arrivé, lors de mes pérégrinations, de songer aux « bonnets rouges » symbole de cette protestation qui a enflammé les régions du Grand Ouest il y a deux ans. Des mondes qui s’opposent et s’éloignent les uns des autres : la France périphérique et la France du très haut débit sont en train de perdre le contact l’une de l’autre. Pendant toutes ces dernières années, faute de voir leurs gouvernants obtenir des résultats concrets et durables dans les domaines dont ils avaient la charge, beaucoup de nos compatriotes ont construit leur vie en dehors et en parallèle de la société politique.

J’ai vu une France désabusée.

La tentation du vote aux extrêmes, le repli sur soi ou sur sa communauté, le leitmotiv du « on ne vous croit plus », ont jalonné mon parcours. Tensions, divisions, jalousies, querelles, autant de signes qui témoignent d’une menace très sérieuse sur la volonté de vivre ensemble.

Les Français, lassés de voir l’incapacité collective de leurs dirigeants à leur proposer une vision claire, étouffent. Comme ces nuits de canicule qui ne laissent plus aucun espace pour se rafraîchir et retrouver son souffle, tandis que les heures d’insomnie s’écoulent interminablement !

En bref j’ai vu une France qu’il faut réunir et, surtout, une France qui demande à être réunie.

En rencontrant pendant ces dix-huit mois les Français, en les écoutant, tous différents mais partageant les mêmes craintes et le même désarroi, j’ai acquis une conviction : cette fois, même en grognant un peu, parce qu’ils sont à bout de nerfs et parce qu’ils veulent protéger l’avenir de leurs enfants, les Français sont prêts à faire bouger les choses.

Alors ! Quelle France veut-on imaginer pour 2020 ? Dans quelle France voulons-nous que nos enfants vivent demain ? Je propose que nous bâtissions ensemble une France décomplexée.

Une France décomplexée, c’est d’abord une France qui accepte de parler de tout sans tabou, sans drame. Dont les élites ne simulent pas l’évanouissement au moindre mot maladroit ou déplacé de tel ou tel... Il ne faut évidemment pas confondre maladresses de forme – qui appellent l’indulgence – et dérives de fond – qui doivent être sans relâche combattues. Mais, non, tous les lapsus ne sont pas révélateurs ! Et, oui, nous devons pouvoir et savoir aborder tous les sujets.

Une France décomplexée, c’est ensuite une France qui, ayant exprimé ses peurs sans tabou, met sur la table, avec la même lucidité, la liste des forces et des atouts qui vont lui permettre de les surmonter : l’intelligence, la créativité, le courage, la force de travail de ses hommes, de ses femmes, de ses entreprises ; la qualité de son organisation, de ses infrastructures ; la solidité des valeurs démocratiques et humanistes qu’ont forgée 2 000 ans d’histoire autour d’une identité.

Une France décomplexée c’est enfin, pour le dire simplement, une France qui remonte à cheval ! Avec une feuille de route simple et claire. Une France qui, réconciliée avec le pragmatisme, sur la base d’un contrat connu de tous (la mise en œuvre du programme électoral qu’elle a majoritairement choisi), décide, agit, avance vite : c’est le gouvernement par ordonnances. Et qui, sur la base de ce même contrat, grâce aux décisions immédiates qui ont été prises, retrouve le goût d’être libre, créative. Une France qui ose, qui risque... et qui renoue avec le goût de la victoire individuelle et du succès collectif.

C’est donc entrer de plain-pied dans ce nouveau siècle et ce nouveau monde avec un état d’esprit positif, projeté vers l’avant, bienveillant, à l’image de ce que d’innombrables Français ont déjà entrepris, et qui doit être raconté, valorisé et peut être reproduit à l’infini... Comme l’ont montré tous ceux dont l’exemple m’a inspiré pour écrire ce livre.
C’est l’espérance d’un Sursaut français qui a été le fil rouge de notre histoire. La plus exacte référence pour moi demeure ces six mois, de juin à décembre 1958, si précisément racontés par Georgette Elgey, qui ont changé le destin de la France.
Je vous l’ai montré tout au long de ce livre, la clé du succès reposera sur la capacité à décider, et à décider tout de suite. Parce que libérer les Français pour leur permettre de ne plus douter d’eux-mêmes est la condition de la réussite. D’où l’importance – je le répéterai sans cesse – de gouverner par ordonnances. Et à ceux qui m’objecteraient qu’il y a une contradiction entre préconiser la liberté et gouverner par ordonnances, je répondrai ceci : la liberté, c’est pour les Français ; les ordonnances, c’est pour que la main du dirigeant politique ne tremble pas au moment de décider.

Disant cela, vous l’aurez compris, ce sont bienveillance et pragmatisme qui doivent guider l’action publique en même temps que l’action de chacun des Français. L’une et l’autre sont indissociables : le pragmatisme suppose la bienveillance à l’égard de toutes les initiatives, individuelles et collectives, qui peuvent enrichir le vivre ensemble, et, symétriquement, la bienveillance entraîne le pragmatisme en ce qu’elle incite à expérimenter, en prenant des risques, quitte à momentanément échouer pour mieux réussir ensuite. Bienveillance et pragmatisme sont, pour le XXIe siècle, les deux piliers d’un cercle vertueux qui conduit au succès.

Voilà, c’est dit et c’est écrit. Je vais avec ce livre retourner sur les routes pour en partager le contenu avec les Français.

Car, je suis certain, je dis bien certain, que c’est en prenant ce chemin, qui est tout autant celui du cœur que celui de la raison, que viendra le temps du sursaut. Du Sursaut français.

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