La faute politique et morale d’Emmanuel Macron
En déplacement en Algérie, Emmanuel Macron a qualifié, dans une interview diffusée mardi 14 février par la chaîne Echorouk News, la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ».
Cette déclaration est une faute grave. Elle mérite d’être décortiquée pour que chacun en mesure bien l’inanité.
Elle témoigne d’abord d’une profonde ignorance juridique. La notion de crime contre l’humanité a été inventée pour qualifier les horreurs perpétrées par les nazis durant la Seconde guerre mondiale. Sa définition très précise figure à l’article 6 de la Charte de Londres du 8 août 1945 qui a institué le Tribunal de Nuremberg. Elle a été reprise lorsqu’il s’est agi de poursuivre les auteurs des atrocités commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda et figure aujourd’hui dans le statut de la Cour pénale internationale établie à La Haye. Dans tous les cas, on vise « l’atteinte volontaire à la vie, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou le transfert forcé de population, l’emprisonnement, la torture, le viol, la persécution pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste », tous ayant en commun d’être des actes inhumains. Certes, de 1954 à 1962, la guerre d’Algérie fut marquée par des crimes, commis de part et d’autre, et se termina par l’exode terrible de centaines de milliers de pieds-noirs et harkis. Mais résumer plus de 130 ans d’histoire par une formule lapidaire destinée à frapper les esprits en assimilant la colonisation française à la barbarie nazie est inqualifiable. Non, la colonisation, aussi contestable soit-elle dans ses principes, n’est pas un crime contre l’humanité.
Elle montre, ensuite, une méconnaissance troublante des faits historiques. La présence française en Algérie a duré de 1830 à 1962, période pendant laquelle la paix a régné une majorité du temps. La France a mis en œuvre des efforts massifs en matière d’infrastructures, de scolarisation, d’alphabétisation, de santé à destination de l’ensemble de la population quelle que soit son origine, améliorant considérablement les conditions de vie. Etait-ce de la « barbarie » ? Plusieurs dizaines de milliers d’Algériens sont morts héroïquement pour la France durant les Première et Seconde Guerres mondiale. Défendaient-ils, alors, une « barbarie » contre une autre ? Non ! Ils défendaient, aux côtés de leurs frères de métropole, la liberté et la France… Evitons donc les propos simplificateurs et le manichéisme quand il s’agit de qualifier cette période. Il suffit de lire l’écrivain algérien Kamel Daoud pour comprendre que même sur la Guerre d’Algérie la vérité est infiniment plus complexe qu’une formule dictée par la loi du marketing politique.
Elle manifeste aussi une immaturité inquiétante de la part d’une personne qui se présente à une élection présidentielle dont le premier tour se tient dans deux mois. Un responsable politique sérieux ne va pas critiquer l’histoire de son propre pays sur un sol étranger, surtout auprès d’un Etat qui a construit sa propre mythologie fondatrice sur une guerre d’indépendance magnifiée au détriment d’une caricature souvent insultante de la France. La raison diplomatique et le respect de soi auraient dû interdire à Emmanuel Macron de se livrer à cette déshonorante repentance.
Elle démontre, enfin, une irresponsabilité politique flagrante. Même s’il se rend peu en banlieue, Emmanuel Macron a dû entendre les médias rapporter les graves violences qui ont enflammé certains quartiers d’Ile-de-France suite à « l’affaire Théo ». Pour nombre des casseurs en question, souvent originaires d’Afrique, la France est perçue et dénoncée comme un odieux Etat colonial oppresseur des « indigènes » de la République. C’est une dangereuse erreur que d’être ainsi allé dans leur sens au risque de légitimer leurs violences en jetant de l’huile sur le feu !
Au final, cet épisode malheureux illustre chez Emmanuel Macron un cocktail détonnant d’immaturité, d’incompétence et d’irresponsabilité qui fait douter de son aptitude à diriger la cinquième puissance du monde. Emmanuel Macron a été pris au piège de sa propre légèreté. A force dire à son auditoire exactement ce qu’il veut entendre, il a cédé à la démagogie et sans doute s’en est-il rendu compte, expliquant le piteux exercice d’explication de texte auquel il a tenté de se livrer aujourd’hui. Celui qui a assimilé la colonisation en Algérie à un crime contre l’humanité, est-il le même que celui qui est allé rendre hommage à la France éternelle au Puy du Fou aux côtés de Philippe de Villiers l’été dernier ?
Le vibrionnant populisme mondain dont Emmanuel Macron nous abreuve n’est définitivement pas un projet pour la France.