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Jean­-François Copé : « Je refuse de laisser la France vulnérable »

INTERVIEW - Le député maire de Meaux, candidat à la primaire de la droite et du centre, se félicite que deux de ses propositions aient marqué la campagne : le gouvernement par ordonnance et la création de 50.000 postes de policiers, gendarmes et magistrats.

LE FIGARO. - Qu’estimez-vous avoir le mieux réussi dans cette campagne ?

Jean-François COPÉ. - J’ai réussi à installer des propositions clefs qui correspondent à mon projet : enrayer la vulnérabilité de la France par le rétablissement du commandement. En particulier, deux d’entre elles. D’abord le gouvernement par ordonnances, la seule méthode qui permettra aux Français d’avoir l’assurance que, cette fois, on fera ce pour quoi on a été élu. Les autres candidats ont été amenés à se prononcer sur cette proposition. Soit en s’y ralliant, comme Alain Juppé. Soit en s’y opposant totalement, comme Nicolas Sarkozy. L’autre proposition est de créer 50.000 postes de policiers, de gendarmes, de magistrats et de gardiens de prison. Cela a placé au centre de la campagne la question du tournant sécuritaire que nous devons mener. Je suis celui qui a porté ces deux sujets dans le débat public. D’autant plus fortement que ni François Fillon ni Nicolas Sarkozy ne pouvaient le faire de manière crédible compte tenu de leur bilan en la matière.

Et ce que vous avez le moins bien réussi ?

À ce stade, c’est à décoller dans les sondages !

Pourquoi, selon vous ?

Les Français sont manifestement plus exigeants vis-à-vis de moi qu’ils ne le sont vis-à-vis de Nicolas Sarkozy sur la question des affaires. D’une certaine façon, cela m’engage et je le prends pour un compliment ! Après avoir été mis hors de cause dans l’affaire des comptes de la campagne présidentielle, il m’a fallu du temps pour me faire entendre à nouveau des Français. Même un peu trop, compte tenu du calendrier de la primaire. De plus, je pense que François Fillon et moi avons payé notre querelle de 2012. S’il avait accepté la main que je lui ai tendue pour nous réconcilier depuis, il en aurait sans doute aussi bénéficié en termes d’image.

Sur quoi les électeurs de la primaire feront-ils la différence, selon vous ?

Ma valeur ajoutée dans cette campagne est double. D’abord, c’est d’incarner une droite décomplexée, une droite d’avenir. Celle qui un jour devra l’emporter. C’est une droite dédiée aux résultats et qui ne cède pas aux promesses démagogiques. Une droite qui assume qu’il faut rétablir l’ordre. Ensuite, une droite qui a une vision : réarmer la France pour lui redonner sa souveraineté et aux Français la maîtrise de leur destin. Il faut que les gouvernants sortent de leur naïveté et comprennent que les Français les plus modestes se sentent exclus et attendent qu’on les protège. Je refuse de laisser la France vulnérable, je veux que les Français retrouvent l’espoir et l’esprit de conquête. La droite décomplexée, ce n’est pas autre chose. Quoi qu’il arrive lors de cette primaire, mon objectif pour les dix années à venir est là : construire une France décomplexée. Et je n’ai pas trouvé cette vision chez mes concurrents.

Y a-t-il un sujet que vous auriez aimé voir aborder davantage ?

À part moi, personne ne prête attention à la France périphérique, selon l’expression de Christophe Guilluy. Mon programme s’adresse aussi à cette France, qui représente 60 % de notre pays. Avec une agence pour la ruralité qui désenclavera
ces territoires grâce à des investissements massifs dans le numérique et des transports, au développement des services à la personne et à l’accompagnement des agriculteurs. J’ai le sentiment que cela n’intéresse ni les médias, trop « parisiens », ni mes concurrents. La primaire est passée à côté de cette question. Comme de celle de l’économie numérique.

Et, à l’inverse, un sujet qui a pris trop de place dans la campagne ?

François Bayrou ! C’est un sujet que nous a imposé Nicolas Sarkozy. On a perdu trois semaines à en débattre alors que cela ne le méritait pas. Comme on a passé trop de
temps à commenter le fait que Nicolas Sarkozy voterait pour François Hollande au deuxième tour de la présidentielle face à Marine Le Pen. Ce sont deux non-sujets.

Vous vous êtes longtemps opposé à exercer un droit d’inventaire sur le quinquennat précédent et c’est devenu l’un des principaux moteurs de votre campagne. Pourquoi ce revirement ?

Au lendemain de la défaite de Nicolas Sarkozy, je ne voulais pas cautionner la tentative de mise à mort qui était organisée par ceux qui avaient été ses plus proches. À l’époque, François Fillon, Laurent Wauquiez, François Baroin et quelques autres se mobilisaient pour dépecer ce quinquennat dont ils avaient été les piliers. Je trouvais que ce n’était pas convenable.

Et aujourd’hui, c’est convenable ?

Aujourd’hui, nous sommes en campagne. Les Français vont choisir le candidat de notre famille politique à la présidentielle. Je reprends le flambeau de la rupture qui n’a pas été réalisée par Nicolas Sarkozy et par François Fillon. Ils ont fonctionné en tandem et c’est une belle fiction de François Fillon d’expliquer qu’il est moins comptable du bilan. Ils ont tout fait ensemble durant cinq ans, y compris rester sourds aux alertes que nous leur lancions sur la folie des hausses d’impôts de la fin du quinquennat, les ravages du Grenelle de l’environnement ou leur refus obstiné de mettre en œuvre la TVA sociale. L’exemple patent restera leur opposition à la loi d’interdiction de la burqa, qu’il a fallu leur imposer, quoi qu’ils en disent aujourd’hui.

Alain Juppé n’est-il pas comptable de ce bilan ?

Si, à la place qui fut la sienne, dans le périmètre de son action et sur le temps qu’il a exercé ses fonctions. Mais j’ai d’autres divergences avec lui. Il faut être plus volontariste sur la reprise en main sécuritaire qu’il ne le propose. Notre système de sécurité comporte des défaillances lourdes, à corriger impérativement. Il faut également faire davantage pour affranchir les entreprises de la dictature syndicale.
Je suis celui qui va le plus loin sur ce sujet en proposant la généralisation des référendums d’entreprise ou la fin du système paritaire de gestion de la Sécurité sociale. Le pacte social, imaginé en 1945, ne fonctionne plus.

Y a-t-il de la rancune dans vos relations avec Nicolas Sarkozy ?

Non, et je l’ai toujours dit. Les circonstances nous permettront peut-être d’en discuter ensemble un jour. Ce sont des divergences de fond alors que nous sommes tous les deux dans le couloir bonapartiste. Je suis attaché à l’esprit du Bonaparte de 1800, quand Nicolas Sarkozy préfère les accents du Napoléon de 1814. Mais la comparaison s’arrête là. La vie n’est pas une page blanche : il a été. Peut-on être et avoir été ? Peut-on se faire élire avec des mots, des attitudes et des promesses, intenables pour la plupart, alors que l’on a déjà été élu et que l’on a été défait ?
Défait justement parce que les promesses n’avaient pas été tenues ? Ce qui nous différencie le plus aujourd’hui, c’est que toutes mes propositions sont applicables, pas les siennes.

Par exemple ?

Proposer d’organiser quatre référendums - dont deux vraisemblablement inconstitutionnels - le jour du second tour des législatives en faisant croire que c’est avec cela que l’on va changer la France, c’est mentir aux Français. Alors qu’il suffit d’expliquer clairement ce que l’on va faire et de prendre les quinze ordonnances qui libéreront le pays comme je le propose. Faire croire que l’on peut raser gratis en annonçant des baisses d’impôts pour tout le monde, contribuables et entreprises, tout en baissant les dépenses de l’État, c’est encore mentir. Je préfère être transparent en proposant des baisses d’impôt sur le revenu pour les classes moyennes et des baisses de charges pour les salariés et les entreprises qui seront financées par une hausse de la TVA. Est-ce si compliqué de dire les choses ?

La victoire de Donald Trump est-elle celle d’une droite décomplexée ?

Non. Elle montre que le débat politique doit évoluer. Depuis des années, les élites, droite et gauche confondues, se mobilisent exclusivement sur la place des minorités en France. Comme maire de Meaux, j’ai compris depuis longtemps que le clivage n’est pas là : il est entre les gagnants et les perdants de la mondialisation. Donald
Trump l’a perçu mais il a hystérisé les électeurs avec des propositions absurdes. La preuve ? Élu depuis une semaine et alors que Silvio Berlusconi l’acclame, il est déjà en train de faire marche arrière : énorme pied de nez à ses électeurs ! L’enjeu, pour les dirigeants qui viennent, c’est de s’engager à protéger chaque enfant de France et à ne laisser personne au bord du chemin de la mondialisation. C’est dans cet esprit que j’ai imaginé mon projet de sursaut français. Et c’est pour cela que je propose deux mesures fortes à mettre en œuvre aux frontières de l’Europe : d’une part, une taxe carbone européenne sur les produits importés et, d’autre part, des mesures
antidumping systématiques sur les produits en surproduction ou subventionnées dans les pays émergents ou aux États-Unis pour faire enfin respecter la réciprocité.
L’Europe ne peut plus continuer à s’imposer seule des contraintes que les autres ne respectent pas.

Le rejet a été l’un des moteurs de l’élection de 2012 et promet de l’être à nouveau en 2017. La nature de l’élection présidentielle s’en trouve-t-elle changée ?

Hélas, cela montre d’abord que les résultats sont à peu près comparables dans les deux cas. Les deux quinquennats s’achèvent sur une hausse du chômage, une hausse de la délinquance, une hausse du communautarisme et une hausse de l’immigration. Mais ce n’est pas une fatalité !

La mobilisation sera-t-elle au rendez-vous de la primaire ?

Je le pense parce que l’enjeu derrière est crucial. Mon intuition est qu’il y aura du monde si j’en crois les taux d’audience des débats, qui sont spectaculaires.

Si vous ne vous qualifiez pas pour le second tour, direz-vous qui vous soutiendrez ?

Je suis pour l’instant concentré sur le premier tour et je ne me poserai la question que le cas échéant.

Quel rôle souhaitez-vous jouer durant le prochain quinquennat si vous n’êtes pas président ?

Continuer de servir de mon pays comme je l’ai toujours fait.

La primaire est-elle définitivement inscrite dans les gènes de la droite ?

Je ne m’en réjouis pas forcément et ce n’était pas mon choix de départ, mais la primaire s’inscrit bien dans notre époque. En 2007, si un candidat légitime ne s’était pas détaché naturellement, nous aurions sans doute eu recours à cette procédure.
Je pense que cela sera difficile de revenir dessus à l’avenir. Sauf quand le président est sortant.

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