Jean-François Copé : “La priorité pour moi est la lutte contre le communautarisme islamiste, qui prend en otage des millions de nos compatriotes, qu’ils soient de confession musulmane ou non”

Avec le dépôt récent des 250 signatures d’élus LR, le Maire de Meaux se rapproche de la candidature à la primaire de la droite. Selon lui, peu importe l’écart de voix qu’il y aura au second tour : le duel qui l’opposait à François Fillon en 2012 devra servir comme une jurisprudence afin que tous les candidats se rangent derrière le vainqueur.

Atlantico : Lors de son discours d’investiture, Donald Trump a axé sa candidature sur le rétablissement de l’ordre public, avec un retour à la sécurité alors que les Etats-Unis ont vécu plusieurs fusillades dans un contexte de tensions communautaires. En Europe aussi, le respect de l’autorité des Etats est un sujet important dans les opinions. A partir de quand l’Occident a-t-il pu cesser de maintenir l’ordre public, que ce soit réel ou ressenti ? A quoi cela est-il dû ?
Jean-François Copé : La thèse que je défends depuis des années et que j’ai exprimée dans mon livre Le sursaut français est la suivante : pendant des décennies, et spécialement la dernière, ceux qui ont gouverné la France n’ont pas vu ou pas voulu voir que le monde était en train de changer et qu’il nous fallait entrer dans le XXIème siècle.

Nos gouvernements successifs se sont montrés hyper interventionnistes sur les questions économiques, augmentant sans cesse les taxes, les charges, ou encore la masse de réglementations. Et, dans le même temps, nos gouvernants, de gauche comme de droite, ont fait le choix de se retirer des fonctions régaliennes, de sécurité, de justice et d’autorité, conduisant à ce que l’Etat se désinvestisse de ce qui est sa raison d’être. Un chiffre l’illustre de manière brutale et cruelle : la part des dépenses sociales représente 33% du PIB alors que les dépenses de sécurité s’élèvent à peine à 3% du PIB. Et pour des résultats extrêmement médiocres dans les deux domaines. Il faut inverser le cours des choses.

Il est absolument capital de réduire de manière assumée l’interventionnisme de l’État dans l’économie pour lui permettre de se recentrer vers ce qui n’aurait jamais du cesser d’être son cœur de métier : la sécurité, la justice et, de manière générale, l’autorité publique. C’est le projet que je porte dans le cadre de la campagne de la primaire et celui que je mettrai en œuvre si je suis élu président de la République. Le projet d’une droite que j’ai appelée la droite décomplexée : une droite qui n’est ni excessive, ni extrémiste, mais une droite qui a des valeurs, comme la liberté économique ou la famille, et qui en est fière. Et surtout une droite qui propose une méthode et qui s’engage à ne pas avoir la main qui tremble quand elle doit décider. Car ce que les Français reprochent à juste titre à leurs gouvernements, aujourd’hui comme hier, c’est d’avoir reculé sur les réformes essentielles.

Vous souhaitez diminuer les dépenses sociales. Pourtant, la fracture entre gagnants et perdants de la mondialisation semble façonner de plus en plus la vie politique. Comment faire tenir la cohésion de la société dans ce contexte ?
Ma vision n’a rien de libérale : on est bien loin du libéralisme lorsque l’on a 56% de dépenses publiques, 47% de prélèvement obligatoires sur le PIB... Mais surtout, je pense que la question n’est pas là. Ce qui compte pour moi ce n’est pas de rattacher le projet économique que je porte à tel ou tel courant idéologique, mais d’avoir des résultats. Le procès qui est fait à nos gouvernants est un procès en absence de résultat. C’est ce qui explique que beaucoup de nos compatriotes votent pour le Front national. Depuis des années ils constatent qu’il y a une hausse du chômage, une hausse des déficits en même temps que des hausses d’impôts et une hausse de la délinquance et de l’insécurité. Comment voulez-vous qu’ils soient satisfaits de leurs gouvernants ?

Nous en sommes arrivés là parce que nous avons une méthode de gouvernement dépassée, obsolète. On cherche à réformer le pays par la voie législative, qui en moyenne demande 18 mois de débats et procédure par texte, alors qu’il faut quelques secondes à peine pour faire un tweet... Et alors surtout que nous devons procéder à des changements profonds tout de suite. On s’est trompé de siècle ! Mon projet est de changer radicalement cette méthode de gouvernement, en recourant aux ordonnances pour adopter dès les premières semaines du quinquennat les 15 décisions que la gauche n’a pas prises et pour lesquelles, hélas, la droite a elle aussi reculé lorsqu’elle était au pouvoir.

En parallèle, la France est menacée d’après plusieurs sources, dont les résultats d’une enquête parlementaire, par une guerre civile. Quelle est votre lecture de cette situation ? Comment aborder la question de l’intégration sans rajouter de l’huile sur le feu par exemple ?
Ne nous trompons pas de combat : qu’il faille être ferme, c’est une évidence, mais la priorité pour moi est la lutte contre le communautarisme islamiste, qui prend en otage des millions de nos compatriotes, qu’ils soient de confession musulmane ou non.

Pour moi, la feuille de route est claire : il est indispensable d’organiser le culte musulman qui est le seul culte monothéiste à ne pas l’avoir été en 1905. Là encore, il faut le faire par ordonnance pour se donner les moyens d’agir rapidement. Cette ordonnance posera des règles très claires. Par exemple, l’obligation pour les imams d’obtenir un diplôme de laïcité délivré par les universités et de parler correctement français. De même, l’interdiction du voile dans tous les établissements publics, qui est absolument nécessaire, ou encore, la transparence complète du financement de ce culte via une fondation. Il faut aussi, par exemple, introduire dans le code du travail le principe selon lequel le chef d’entreprise peut empêcher par le règlement intérieur toute dérive communautariste dans l’entreprise. C’est en ce sens que j’ai fait supprimer le fameux article 6 de la loi El Khomri, qui permettait aux salariés d’imposer des revendications en lien avec leur culte. Enfin, il est grand temps pour notre pays d’introduire dans le code pénal un article permettant de sanctionner les propos islamistes radicaux.

Nous sommes à deux mois presque jour pour jour du début de la campagne de la primaire de la droite. Parmi les conditions à remplir pour être candidat, il faut réunir 20 parlementaires LR, 250 élus locaux et 2 500 adhérents. Êtes-vous en bonne voie pour remplir ces conditions ?
Oui, j’ai été le premier candidat à déposer les parrainages des 20 parlementaires, et récemment ceux de plus de 250 élus. Et je suis en train de finaliser le recueil des parrainages des militants.

Mais, à cet égard, les conditions ne sont pas parfaitement équitables compte tenu de la confusion des genres et des facilités résultant de l’utilisation des moyens du parti par son président. Tout cela n’est pas très fair play...

Le moment venu, cela fera l’objet d’explications claires.

Qu’est-ce qui manque à la candidature "Copé" pour percer réellement dans les sondages aujourd’hui ?
Que la campagne commence ! Lorsqu’elle aura commencé, ce sera le moment de vérité.

Prenez le mois qui vient de s’écouler. Il a été marqué par trois événements majeurs : le Brexit, qui montre les attentes en termes de souveraineté des Etats, d’identité nationale et de projet européen ; l’attentat à Nice, qui confirme cruellement l’affaiblissement du régalien ; une tentative de coup d’Etat en Turquie qui montre que les démocraties sont fragiles. Ces trois événements sont un résumé assez fort de notre époque et démontrent s’il en était besoin que les conditions du tragique sont réunies. Ce seront des enjeux majeurs de notre campagne. Parce que, légitimement, c’est à ces questions que les Français attendent que nous apportions des réponses. Et je n’ai rien entendu pour l’instant de convaincant sur ces sujets de la part de mes concurrents…

Le risque que deux candidats sortent du second tour avec très peu d’écart existe, et pourrait donner lieu à des contestations sur la validité de son issue. Comment appréhendez-vous ce scénario noir ?
Pour moi il n’y aura pas d’ambiguïté : il faudra que l’on se retrouve tous derrière celui qui l’emporte. J’ai vu combien le comportement de mauvais joueur de celui que j’avais battu il y a 4 ans avait fait du mal à notre parti. Ce n’est certainement pas pour ne pas en tirer les leçons pour la primaire. Le principe d’une élection, c’est d’admettre le verdict des urnes et, dans le cas de la primaire, de soutenir celui qui l’emportera.

Invité vendredi 22 juillet sur Europe 1, vous avez attribué les mauvais résultats de la France en matière économique et sécuritaire aux gouvernements précédents, "de gauche comme de droite". Au début du mois de juillet, vous déclariez aux Echos que le projet de Nicolas Sarkozy était "tiède" (voir ici). Sur quels points vous démarquez-vous du Président des Républicains ? Aux côtés d’Henri Guaino le gaulliste, Bruno Le Maire le candidat du renouveau, Alain Juppé celui de l’apaisement et François Fillon celui du libéralisme, de quoi Jean-François Copé est-il le candidat ?
Ma candidature a un nom : la droite décomplexée. En cela, elle est en rupture totale avec ceux que vous évoquez. Et ce, pour une bonne raison : ils ont tous été des acteurs majeurs du précédent gouvernement. Ma première grande différence est donc d’incarner une rupture par rapport à eux. Pendant le précédent quinquennat, j’étais même connu pour essayer, avec l’ensemble de la majorité que je présidais à l’Assemblée, de pousser le gouvernement à aller beaucoup plus loin dans les réformes qu’il tentait de mener à bien. Je parlais à l’époque, avec mes amis députés, de "co-production législative", une manière courtoise de dire que nous n’allions pas assez loin sur de nombreux sujets comme celui des retraites, des 35 heures, du chômage ou de la sécurité...

Les Français partageaient cette analyse et cela s’est traduit par une sanction sévère lors des élections de 2012.

Ma deuxième grande différence, et c’est la plus importante, je la résume en une formule : "moi je ne reculerai pas". C’est pour cela que je propose une méthode de gouvernement par ordonnances, alors que mes concurrents proposent d’organiser des référendums. Ma conviction est que la seule légitimité qui vaille est celle de l’élection présidentielle sur la base d’un projet clair, précis, connu de tous et pour la mise en œuvre duquel les Français élisent leur président. C’est cela aussi la droite décomplexée : faire une campagne argumentée sur des textes dont le détail est rendu public et qui, enfin, aillent au bout des réformes que nous savons devoir mener à leur terme depuis des années. C’est pour cela que je pense que le projet de Nicolas Sarkozy est tiède. Par exemple, je propose 50 000 postes supplémentaires de policiers, gendarmes, militaires, magistrats et gardiens de prison, la fin du paritarisme (avec les syndicats) dans la gestion de la Sécurité sociale, la suppression de l’ISF, la fin de l’emploi à vie dans la fonction publique pour les nouveaux entrants. Quatre propositions parmi d’autres que vous ne trouverez pas dans le programme de Nicolas Sarkozy… De même, le projet d’Alain Juppé qui, comme celui de François Hollande en son temps, rechigne à engager pleinement des réformes au motif que cela serait de nature à diviser les Français. On voit où cela nous a menés. On ne peut pas prétendre emporter la conviction de la majorité des Français avec un projet trop tiède.

Après le résultat du Brexit, les figures de la droite se sont réunies pour trouver une position commune, avec notamment l’idée d’une "véritable refondation de l’Europe, dont la France et l’Allemagne devraient prendre l’initiative ensemble". Mais comment cela pourrait-il se matérialiser concrètement, avec une Allemagne qui considère justement les institutions européennes comme une structure "optimale" ?
Sur ce point ce sont les Allemands qui ont raison. L’obsession d’une refondation de l’Europe est une de ces idées "tarte à la crème" dont la France a la spécialité, un alibi pour masquer la réalité. Si l’on veut régler les problèmes de l’Europe, il faut d’abord que la France ait le courage de faire ses propres réformes. Un exemple très concret : lorsque l’Allemagne transpose une directive européenne, elle prend le soin de le faire dans l’intérêt des industriels et des agriculteurs allemands. La France, elle, les transpose dans l’intérêt de l’administration française.

Si je suis élu président de la République, l’une des quinze ordonnances auxquelles je m’engage aura pour objet de "détransposer" les directives qui desservent les intérêts des Français pour les retransposer au même niveau que les Allemands.

Deuxième question essentielle qu’il faudra traiter de manière urgente et avec pour seul objectif l’efficacité : l’échec de Schengen. Sur ce point aussi je suis en désaccord total avec les solutions que proposent Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, ou encore Bruno Le Maire qui tous parlent de nouveau traité et de référendum. Il faut bien comprendre que nous n’obtiendrons jamais un traité conforme à nos attentes. Mais surtout, il faut avoir à l’esprit qu’un nouveau traité n’est pas nécessaire. Outre que sa négociation durera des années que nous n’avons pas, il suffit d’un règlement européen pour faire évoluer le dispositif actuel et de prévoir de l’évaluer régulièrement. Voilà typiquement le genre de sujet sur lequel on ment aux gens. Ce n’est pas un énième traité qu’il nous faut et encore moins un référendum que l’on est sûr de perdre et dont nous mettrons des années à nous relever. Nous devons tirer les leçons du Brexit. C’est de courage politique que l’Europe a besoin. Et pour l’Europe comme pour la France, notre principale obligation est de ne plus reculer !

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