Sommes-nous prêts à vivre 200 ans ?
L’homme est brillant. Convainquant. Surprenant. Habité par une intuition dérangeante : la science rendra l’homme « immortel » au 21ème siècle. Faits et chiffres à l’appui, le docteur Laurent Alexandre m’explique comment les meilleurs chercheurs du monde travaillent à repousser nos limites en termes d’espérance de vie. Pour lui, ils ont toutes les chances de réussir. Le décryptage de l’ADN et le développement de technologies de réparation de nos cellules ouvrent des perspectives jusque-là inimaginables. Demain, un homme nouveau, « augmenté » ou « cyborg », pourra peut-être vivre 150, 200 ou 250 ans… Ce serait en quelque sorte, et pour reprendre ses mots, « la mort de la mort ». Vertigineux !
Mon premier réflexe est la perplexité… Est-ce que tout cela est vraiment crédible ? Mon second est l’inquiétude… Est-ce que tout cela est souhaitable pour l’homme ? J’aime passionnément la vie mais l’idée de vivre plusieurs centaines d’années, grâce à l’aide de puces ou de machines, est un rien troublante ! Je ne me sens pas une vocation de « Mathusalem » !
Mais ce sujet me trotte dans la tête depuis ma rencontre avec Laurent Alexandre. Ma participation, cette semaine, à un colloque sur la question de la fiscalité des successions m’a amené à me pencher de nouveau sur la question. Je suis allé voir les données de l’INED (Institut national d’études démographiques) sur l’espérance de vie. Regarder le temps long permet souvent de déceler les vraies tendances de fond. L’INED montre ainsi qu’au XVIIIème siècle l’espérance de vie était inférieure à 25 ans. Elle est passée à 45 ans en 1900. Puis à près de 82 ans de moyenne aujourd’hui… Tout cela grâce aux progrès de la médecine. En clair, l’espérance de vie a presque doublé entre 1750 et la fin du XIXème siècle. Idem entre 1900 et nos jours… Pourquoi, alors que le progrès technique va de plus en plus vite, ce même mouvement ne s’amplifierait-il pas au cours du 21ème siècle ? Sans parler d’immortalité, dépasser les 150 ans vers 2100 n’aurait alors rien d’ahurissant…
Bien sûr, nul ne sait de quoi demain sera fait. La pollution, de nouvelles pandémies ou catastrophes naturelles peuvent changer la donne. Mais un vieillissement absolument inédit de nos sociétés à court terme est plus que probable. Avec tout un lot de questions difficiles à tous les niveaux : comment assurer la cohabitation harmonieuse de 4, 5 ou 6 générations, ne serait-ce qu’en matière de transmission du patrimoine ? Quel nouveau système de solidarité réinventer alors que le modèle hérité des Trente Glorieuses, notamment en ce qui concerne les retraites, sera obsolète ? Quel sens aura la famille ? La planète peut-elle nourrir, loger, blanchir, une humanité qui augmenterait dans des proportions incroyables à force de repousser la mort ? Quid de la diffusion de cette espérance de vie dans le monde : pouvons-nous aller vers une humanité où les différences de vie entre les pays pauvres et développés iront du simple au triple ?
Ces questions risquent d’arriver sur la table beaucoup plus vite qu’on ne le pense. Elles sont profondément structurantes pour le siècle qui vient. Inutile de travailler au sursaut français sans intégrer la dynamique démographique qui peut tout bouleverser…
Et vous, êtes-vous prêts à vivre 200 ans ? Discutons-en !
JFC
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