Simone Veil s’en est allée
Simone Veil s’en est allée et chaque Français ressent un grand vide aujourd’hui tant, au fil des années, elle s’était naturellement imposée comme une immense conscience de ce 20ème siècle marqué comme nul autre par les drames, les épreuves, les espoirs.
Je pense à ce matricule dont les nazis l’avaient tatoué à Auschwitz sur le bras gauche, comme on marque les bêtes avant qu’elles n’aillent à l’abattoir. De ce sceau infamant qu’elle assumait avec dignité, elle avait su faire un emblème de la résilience, de la résistance et de l’espérance. Oui, la Shoah était à jamais gravée dans sa chair mais elle avait su lui survivre avec une intensité exceptionnelle qui était la preuve même que la barbarie ne l’avait pas emporté.
En mars 2005, alors que j’étais ministre du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, j’avais eu l’honneur d’assister avec elle à l’inauguration du nouveau bâtiment du mémorial des victimes du génocide de Yad Vashem à Jérusalem. A cette occasion, elle m’avait confié, avec une pudeur bouleversante, l’horreur des camps dont ses parents et son frère ne revinrent pas. Je n’oublierai jamais la force de son témoignage.
Simone Veil, c’était aussi une inlassable combattante du droit des femmes. Elle avait fait face avec un courage admirable aux insultes, aux pressions, aux caricatures les plus immondes, lors du débat sur l’avortement qu’elle a porté en 1974.
Enfin, c’était une européenne de la première heure, convaincue que la réconciliation franco-allemande à travers la construction européenne était la seule manière d’empêcher que notre continent ne sombre de nouveau dans la tragédie. A la tête du Parlement européen, elle fut une Présidente admirée et respectée.
Rescapée des camps, mère de famille, magistrat, ministre, académicienne, membre du Conseil constitutionnel, Simone Veil a été une femme d’exception, à l’énergie, à l’humanisme, à l’intelligence, admirables. Elle a prouvé par tout son parcours qu’il n’y avait pas de fatalité au tragique.
Le respect de sa mémoire nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes au service des autres, comme elle l’a toujours fait.
J’ai une pensée émue pour ses enfants. Ils perdent une mère et les Français une grande conscience.