Plongée dans la French-Tech (énième épisode)

Après Parrot et Withings, j’ai poursuivi ma découverte de la French-Tech. Je suis allé visiter Ametix, une jeune start-up de la région parisienne, créée en 2011 et spécialisée dans le recrutement 2.0 et le conseil digital.

Première impression quand j’entre dans leurs locaux : les codes classiques de l’entreprise sont cassés. Un « Ametix wall » accueille le visiteur, en face de l’ascenseur. Sur un grand tableau, salariés et clients écrivent, décrivent ou dessinent à l’envie leurs réactions sur la vie et les services de l’entreprise… Des photos, des points d’exclamations, des smileys côtoient des « amazing » et des « supers »… Dans un open space lumineux salariés et patrons bossent sans séparation. Une grande cloche est sonnée à chaque fois qu’un nouveau contrat est décroché. Une console de jeux est à disposition dans le couloir… On me présente les salariés : sur un même bureau se trouve un centralien, pur produit des grandes écoles françaises, et Eric, un trentenaire qui n’a ni le brevet ni le Bac, mais qui, à 16 ans, avait déjà créé et vendu une start-up à succès. Espace convivial et ludique. Management proche. Esprit d’équipe. Créativité. « Etiquettes » des diplômes qui ne comptent pas… Une atmosphère collective positive, simple, dynamique. J’adore ! Cela change des ambiances compassées, cloisonnées et convenues de certains grands groupes français dans lesquels trop de talents se perdent ou étouffent. Et je ne parle pas des ministères…

Discussion à bâtons rompus avec les trois fondateurs et dirigeants de l’entreprise : Vincent, Patrick et Stéphane. Une chose me sidère. Ils me disent que l’un des principaux freins à leur croissance est la pénurie de « développeurs », ces informaticiens qui réalisent des logiciels, programment, développent, construisent les infrastructures numériques. Il en manquerait 300 000 en Europe. La preuve, en ce qui les concerne, ils ont aujourd’hui 120 salariés, mais ils pourraient être 500 ! Leurs offres ne trouvent simplement pas preneurs. Ils sont obligés d’aller chercher des développeurs en Ukraine ou en Roumanie…

Ametix a même proposé en mars 2013 de recruter les 1000 premiers élèves qui sortiront de l’école 42 de Xavier Niel pour un salaire de 45.000 euros brut par an ! Soit bien plus que le salaire moyen annuel hors primes du premier emploi des diplômés des grandes écoles de commerce et d’ingénieur (32.862 euros bruts en 2013). Des gisements considérables d’emplois sont là pour peu qu’on sache bien former et orienter nos jeunes… Pour cela, il faudrait commencer par faire tomber quelques tabous et barrières mentales. Par exemple, Ametix organise chaque année le concours du meilleur développeur de France. Sur les plus de 700 candidats en 2015, il n’y avait que 6% de femmes…

A part ce manque désolant de ressources humaines, qui n’est pas spécifiquement français mais mondial, ils ne se plaignent pas de grand-chose. Pour eux, la France est un paradis pour investir dans le numérique. Les compétences sont là. Le Crédit Impôt Recherche fonctionne. La créativité des Français est intense… L’autre souci tout de même est la frilosité des investisseurs pour accompagner le développement des jeunes pousses. Les banques ou entreprises en France et en Europe financent des projets de taille moyenne mais rechignent à prendre trop de risques pour leur faire passer un cap. Rares sont les excellentes start-ups françaises qui réussissent – comme Blablacar récemment – à lever suffisamment de fonds pour accéder au statut envié de licorne (une start-up qui dépasse 1 milliard de dollar de valorisation boursière). Comme me le dit Stéphane : « Dailymotion a été créé en France en même temps que YouTube, aujourd’hui YouTube écrase Dailymotion pas parce qu’il est meilleur mais parce qu’il a simplement eu plus de financements au bon moment… »

Bref, plus que jamais le numérique est notre avenir. Il ne manque pas grand-chose – un peu plus d’hommes, de capitaux et de prises de risques ! – pour que la France s’impose comme un leader mondial dans ce domaine, capable de concurrencer les GAFA américains (Google, Amazon, Facebook, Apple)… Il ne tient qu’à nous de faire sauter ces barrières : une école et une formation professionnelle plus orientée vers le numérique ainsi qu’une fiscalité moins oppressante pour libérer l’investissement suffiraient à libérer les vannes… Le sursaut français est à ce prix !

Qu’en pensez-vous ? A bientôt,

JFC

Photo : D’une licorne à l’autre ?

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