OUI « TROP C’EST TROP ! »

Consternant ! C’est le mot qui m’est venu en lisant cette tribune parue dans Le Monde mercredi sous la signature de Martine Aubry et plusieurs personnalités de gauche.
Une tribune qui dénonce tout et ne propose rien. Irresponsable au regard de la situation que connaît notre pays. Comment peut-on, alors que les menaces sur le sécurité des Français sont si sérieuses que l’état d’urgence a été décrété, alors que le chômage et la précarité touchent plus de six millions de Français, se contenter de critiquer et ainsi faire le choix d’ajouter au malaise et à la panique qui minent notre pays, sans jamais même imaginer de formuler un projet alternatif crédible ?

Une tribune en forme d’imprécation ! La chose est aisée. Mais qu’ont à faire les Françaises et les Français d’un réquisitoire contre la politique menée par le gouvernement et de la chronique d’une défaite annoncée de la gauche en 2017 ? Ce temps est révolu et c’est de solutions et de résultats que le pays a besoin.
Irresponsabilité encore si l’on songe que ce texte est écrit par ceux-là même qui ont affaibli la France, fragilisé ses entreprises et jamais résorbé le chômage en inventant, il y a près de vingt ans, cette fausse solution des 35 heures. Aveuglés par l’idéologie et incapables de regarder l’avenir et la réalité en face, ce sont les mêmes qui refusent aujourd’hui de reconnaître à quel point cette réforme n’a fait qu’aggraver la situation.

Qui peut sérieusement défendre l’idée que nous pouvons travailler moins et, dans le même temps, exiger de conserver tous les avantages d’un Etat providence qui vit à crédit faute d’avoir les moyens de se financer ? Qui, alors que le monde a connu des bouleversements immenses et que, partout, le défi est désormais de savoir comme travailler plus mais mieux et de façon plus intelligente et innovante ? Qui ? La gauche française ! Ou au moins une partie de la gauche française, cette vieille gauche réfractaire au progrès et qui légitime son discours par la préservation de droits acquis que nous traînons comme autant de boulets qui nous empêchent d’imaginer l’avenir.

Cette « gauche d’hier » qui est dans le déni de réalité. Une gauche incapable de comprendre que c’est le travail qui crée la croissance et que c’est de lui que naissent les idées qui changent le cours de l’histoire et créent des emplois. Une gauche incapable d’admettre qu’elle a pu se tromper et qui préfère reprendre les refrains du passé plutôt que de changer sa manière de penser.

Vieux discours ! Vieux réflexes ! Une gauche qui est restée bloquée au 20e siècle, prisonnière d’une logique de lutte des classes qui l’empêche de raisonner. Alors, disons-le clairement, une fois pour toutes ! Non, les entreprises françaises ne sont pas les ennemies des Français. Non, les patrons, ces millions d’entrepreneurs qui prennent des risques et créent de l’activité et des emplois dans l’artisanat, dans les TPE, les PME ou les grandes entreprises, ne sont pas des exploiteurs qui refuseraient la négociation et n’auraient pour seul but de faire chanter leurs salariés. Non, négocier avec le MEDEF ne conduit pas à un « marché de dupes ».

La tentative de réforme du code du travail en est malheureusement la flagrante illustration.

Seule une gauche passéiste, arc-boutée sur les 35 heures, ne conçoit les entreprises que comme des lieux de lutte et de soumission ; et les rapports qui s’y nouent comme nécessairement conflictuels. Une gauche qui refuse de comprendre les besoins de souplesse et de réactivité qu’implique la compétitivité. Une gauche qui croit que les syndicats sont seuls à même de gérer l’ensemble des relations sociales et dénie ce droit aux salariés.

Alors évidemment, c’est cette même gauche, cette gauche d’hier, qui hurle au scandale face à un projet de loi qui, enfin, va dans le bon sens.

Un projet de loi pragmatique qui assouplit le temps de travail et fixe un nouveau régime pour les heures supplémentaires parce que c’est ce dont nos entreprises ont besoin pour s’adapter à la demande et ainsi pouvoir préserver l’emploi de leurs salariés. Un projet de loi qui permet des accords « offensifs » et non plus seulement « défensifs » en faveur de l’emploi, offrant aux entreprises les moyens d’aller à l’assaut de nouveaux marchés. Un projet de loi qui clarifie la notion de licenciement économique et plafonne les indemnités prud’homales, faisant ainsi disparaître un facteur d’insécurité qui paralysait les entrepreneurs au point de leur faire préférer de ne pas recruter. Un texte qui donne plus de pouvoirs aux salariés en donnant plus de poids aux référendums d’entreprise.

Sans doute ce texte aurait-il fait hurler l’ensemble de la gauche s’il avait été présenté par un gouvernement de droite. C’est ce qui a conduit trop longtemps les responsables politiques de droite à hésiter puis, finalement, reculer lorsqu’il était indispensable de réformer. Bien sûr, on peut regretter qu’il ait fallu attendre d’avoir plus de six millions d’inscrits à Pôle Emploi pour enfin réagir et engager une modernisation de l’organisation du travail que l’on savait depuis longtemps indispensable.

Evidemment aussi, ce texte demeure pour moi encore insuffisant. Ainsi, par exemple, dans mon regard, l’avenir doit être au référendum d’entreprise généralisé pour décider de l’organisation du travail et ce référendum ne doit pas être un dernier recours, après consultation ou veto des syndicats, mais la norme pour décider de l’organisation d’une entreprise.

De même, rien n’est dit sur le contrat de travail alors même que je suis convaincu qu’il faut dépasser le débat sur la précarité : ce n’est pas le travail ou le contrat qui est précaire, mais l’activité de chaque entreprise, soumise à des aléas innombrables. C’est la raison pour laquelle je propose, tout en maintenant le CDI classique, de regrouper sous un seul statut et vocable – le « contrat à durée variable » – toutes les formes de contrats existantes en prévoyant davantage de souplesse. Un contrat qui pourrait être conclu de gré à gré pour une durée d’au plus trois ans et serait renouvelable au maximum trois fois, contre deux aujourd’hui.

Enfin, rien non plus sur l’avenir de l’emploi au 21e siècle. Le Code du travail ne traite que des situations de salariat ; rien d’étonnant, il a été conçu à une époque où le modèle idéal était le salariat à vie dans la même entreprise et dans le même lieu. Mais la réalité n’est plus celle-là ! La rencontre du numérique et de la mondialisation a changé la société, l’entreprise et le rapport au travail. Le télétravail, le « free-lance », l’essor du travail indépendant sont désormais des réalités que nul ne peut nier. Il ne s’agit donc pas d’aller contre ces réalités, mais de les encadrer et de les sécuriser. A ne pas vouloir faire évoluer le code du travail alors que le monde du travail ne cesse d’évoluer, on court le risque qu’il soit périmé et entrave alors qu’il devrait protéger. A terme, il faut donc faire du Code du travail un code recouvrant l’activité en général, en l’ouvrant à de nouvelles professions ou formes d’exercice, et avec des règles et des niveaux de protection différents selon celles-ci. En attendant ce travail de longue haleine, l’urgence est de sécuriser d’un point de vue juridique le recours au travail indépendant, de manière à faciliter son développement et permettre à chacun d’exercer sa liberté. C’est pour libérer toutes les énergies des Français que je propose la création d’un numéro de Siret pour chacun dès son entrée sur le marché du travail. A l’image du numéro de Sécurité sociale qui protège, on disposerait ainsi d’un numéro dès ses 16 ans qui permettrait aisément à chacun, sans formalités bureaucratiques, d’être rémunéré pour des activités en parallèle d’un emploi salarié ou d’être un travailleur indépendant répondant librement aux missions qu’on voudrait lui confier et, ainsi, d’avoir des possibilités de mobilité tout au long de sa carrière… L’activation du numéro se ferait d’un simple clic et sans aucun frais d’immatriculation sur une plateforme numérique accessible à partir d’un identifiant électronique et cette plateforme servirait ensuite à l’ensemble des procédures de déclaration de chiffre d’affaires et de paiement des cotisations.

Mais ce n’est pas parce que l’on est de droite qu’il faut refuser de voter un projet de loi au seul motif qu’il est présenté par un gouvernement de gauche alors que, je le répète, il va dans le bon sens puisque dans l’intérêt de la France. C’est la raison pour laquelle je voterai le projet de loi El Khomri, à la condition bien sûr que le gouvernement ne cède pas et que le texte ne soit pas dénaturé par une multitude d’amendements qui seraient autant de gages à cette « gauche d’hier ».

C’est aussi cela la « droite décomplexée » : une droite fière de ses valeurs, ni extrême ni populiste, mais qui, parce qu’elle refuse de voir la France une fois encore reculer, privilégie l’intérêt du pays. Une droite qui peut, sans hésitation ni complexe, soutenir une réforme, surtout lorsqu’elle a la conviction que la droite aurait dû la mener !

Alors oui, trop c’est trop ! Trop d’archaïsme, trop de posture, trop d’idéologie de la part d’une vieille gauche nombriliste qui s’intéresse davantage à sa propre survie qu’au nécessaire sursaut du pays. Une vieille gauche si préoccupée d’elle-même qu’elle préfère, par principe et sans nulle proposition alternative, rejeter un texte dont les Françaises et les Français ont besoin. Une vieille gauche qu’une grève générale n’effraierait pas, puisqu’elle refuse de voir les risques et les conséquences d’une paralysie qui déjà, de manière sourde, menace notre économie.

Le temps est venu de dire les choses et d’aller à l’essentiel. Ne reculons plus ! Et empêchons la gauche d’hier d’hypothéquer encore l’avenir de notre pays. C’est aussi une condition du Sursaut français !

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Commentaires

  • David

    , par David Répondre

    Très bon article de JF Copé, avec notamment cette proposition concernant le numéro de Siret dés l’entrée dans le marché du travail.
    Cette proposition est l’une des meilleures que j’ai entendu et je suis sûr que ça libérerai beaucoup de monde !
    JF Copé est pour moi un excellent candidat à la primaire et j’espère qu’il sera enfin reconnu à sa juste valeur !

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