Le diagnostic du malaise français

Le diagnostic du malaise français : absence d’explication des bouleversements de notre monde ou pourquoi les hommes politiques français n’arrivent-ils pas à « délivrer » et pourquoi les Français sont-ils dans cette situation de défiance permanente et généralisée ?

La vérité est que les Français sont paniqués car personne ne prend le temps de leur expliquer en quoi notre monde a évolué et pourquoi il faut nous s’y adapter, pour à la fois continuer à bien vivre aujourd’hui et garantir demain à nos enfants un avenir positif…

 La première tentative d’explication du monde a eu lieu à Meaux. En 1995, Jean-François Copé a découvert, tout juste sorti de l’ENA, l’existence d’un monde « parallèle » à 50 kilomètres de Paris, dans les cités meldoises de Beauval ou de la Pierre Collinet (80% de logements sociaux), gangrenées par l’insécurité, le chômage, le communautarisme, la grande pauvreté sociale ou culturelle… Une France qui vit à côté de la France et qu’on ne peut abandonner au risque d’aller vers des fractures irréparables. Au bout de 20 ans de travail acharné, basé sur la sécurité (investissement sur la police municipale), la rénovation urbaine (destruction des tours déshumanisantes et insalubres construites dans les années 1970) la reconstruction de liens sociaux (refus du communautarisme, pari sur la culture) ces quartiers de Meaux sont sauvés ! Et si Meaux était un exemple à suivre pour la France ?

 La deuxième tentative d’explication et de réponse au malaise français fut la volonté politique revendiquée d’incarner une droite nouvelle, une droite "décomplexée"… Une droite qui, loin d’être excessive, est d’abord fière d’elle-même, des ses valeurs, une droite qui assume l’autorité, la liberté, le progrès, l’égalités des chances… Une droite qui dit toujours les choses, telles qu’elles sont, telles que les Français les vivent, sans langue de bois. Une droite enfin qui, lorsqu’elle est en situation de pouvoir et donc de réforme du pays, ne doit jamais avoir la main qui tremble pour accomplir ce qui est attendu d’elle. C’est au nom de cette droite qui n’a pas peur de son ombre, qui veut régler les problèmes avec efficacité, qui a la culture du résultat, que Jean-François Copé a notamment porté, avec succès, le combat pour l’interdiction de la burqa.

 Aujourd’hui il faut aller plus loin. L’enjeu est de mieux comprendre dans quelle époque nous sommes entrés. Notre monde est caractérisé par deux phénomènes majeurs :

  • Le numérique, qui transforme tous les aspects de notre vie. Il s’agit d’une révolution beaucoup plus puissante que la vapeur ou l’électricité, parce qu’elle ne se contente pas d’une simple transformation économique. Le numérique modifie notre rapport au temps, il favorise le présent, l’immédiat, amplifie l’exigence du "tout, tout de suite". Le numérique repense aussi la relation à l’individu, au micro, au local. Le numérique efface les intermédiaires, les hiérarchies. Il favorise le contact direct, simplifie la relation producteur-consommateur, cette fameuse "ubérisation" de l’économie dont tout le monde parle aujourd’hui. Et ce faisant, il transforme aussi les rapports sociaux et politiques : l’individu est au cœur. Le numérique favorise "l’empowerment" de la société, c’est à dire qu’il donne à chacun, citoyen ou consommateur, les moyens de s’informer, de décider, et d’agir s’il le souhaite. Ce bouleversement des consciences dessine évidemment un nouveau cadre pour le politique : plus que jamais, il s’agit d’être inclusif, de faire avec.
  • L’émergence d’un monde multipolaire où plus rien n’est simple et sous contrôle depuis la chute du mur du Berlin. La grille de lecture binaire entre les bons occidentaux et les méchants soviétiques n’a plus cours :
    • L’Asie redevient centrale : le Pacifique supplante l’Atlantique ;
    • Les Etats-Unis n’arrivent plus à imposer leur loi au monde : on l’a vu en Afghanistan ou en Irak et aujourd’hui en Syrie ;
    • L’économie s’est émancipée du politique comme le montre l’abandon du contrôle par l’Etat de la monnaie (15 août 1971, Nixon suspend la convertibilité or/dollar). Une entreprise comme Apple a une valorisation boursière supérieure à la somme des PIB de la Roumanie, de la Hongrie, de la Slovaquie, de la Croatie ou de la Lituanie…
    • L’Etat-nation est défié de toutes parts : par l’émergence de mouvements supranationaux (ONG, Internet, multinationales, Union européenne) et locaux (mouvements séparatistes ou circuit courts).

La conjonction de ces deux phénomènes, numérique et monde multipolaire, porte un nom : la globalisation qui chamboule tous nos repères. Deux exemples de ces bouleversements :

  • Notre rapport à la vie est complètement bouleversé. Au 18ème siècle l’espérance de vie était inférieure à 25 ans. Elle est passée à 45 ans en 1900. Et est de 82 ans aujourd’hui… Elle a donc presque doublé entre 1750 et la fin du 19ème siècle puis, de nouveau, entre 1900 et nos jours… Pourquoi, alors que le progrès technique va de plus en plus vite, ce même mouvement ne s’amplifierait-il pas grâce aux NBIC au cours du 21ème siècle ? Sans parler « d’immortalité », dépasser les 150 ans vers 2100 n’aurait alors rien d’ahurissant…
  • Notre rapport au travail est bouleversé : selon l’université d’Oxford, 47 % des catégories actuelles d’emplois pourraient voir l’humain remplacé par des robots. Les métiers d’analyste financier, boulanger, coiffeur ou inspecteur des impôts pourront être exercés avec plus d’efficacité par des machines. Angoissante perspective pour ceux qui exercent ces professions menacées… Va-t-on vers un chômage de masse ? Chacun pourra-t-il trouver sa place dans ce futur monde du travail qui ne doit pas mener à une nouvelle fracture entre « qualifiés », gagnants du changement, et « non-qualifiés », laissés au bord de la route ?

Dans ce contexte, les Français sont angoissés parce que les fondamentaux qui structuraient notre pays (un Etat-nation fort, une économie dirigée sur le mode colbertiste, une population homogène, un monde occidental hégémonique…) sont remis en causes par ce mouvement…

Ils sont d’autant plus paniqués que ce nouveau monde requiert goût du risque, de la transversalité et de l’adaptation, autant de qualités auxquels nous ne sommes pas préparés. La peur de l’échec et l’aversion au risque nous sont léguées depuis l’école…

Pour autant la France n’est pas perdue : la victoire de Bouvines, la geste de Jeanne d’Arc, la réconciliation opérée par Henri IV, le sursaut de Malplaquet, la bataille de la Marne, le 18 juin 1940, les réformes de 1958… montrent que c’est lorsque plus personne ne croit en notre pays que nous trouvons en nous des ressources inespérées pour réaliser un sursaut.

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