Broutards, avions et injonctions contradictoires…

Ce mercredi j’étais dans l’Indre, à l’invitation de mon ami Nicolas Forissier, malgré un TER récalcitrant… Beauté sauvage des forêts du Berry, du Boischaut Sud et de la Brenne ennoblies par les premiers feux de l’automne. Un crépitement parfois époustouflant de couleurs. Je pense à l’inégalable description de l’automne par Jean Giono, dans « un Roi sans divertissement »… Un livre à lire et relire !

Arrêt à Celon dans la ferme de Benjamin. Un jeune agriculteur. 27 ans. Installé depuis 6 ans. 50 charolaises, 50 limousines, qui broutent encore en plein air dans un décor magnifique. Nous parcourons l’exploitation puis échangeons autour d’un verre dans son atelier avec des amis agriculteurs qu’il a réunis. Sur un mur : une affiche, un signal de détresse : « France n’abandonne pas tes paysans ». Le ton est donné.

Morceaux choisis d’un dialogue avec des agriculteurs en souffrance. Benjamin, notre hôte, a une spécificité, contrairement à ses collègues, il n’est pas fils d’agriculteur : il fait ce métier non par devoir mais par choix, par passion. Comme il n’a pas hérité de terres, il est parti de zéro et a dû investir énormément d’argent. Aujourd’hui, il a 1 million de prêts sur les épaules et souvent la peur de ne pas voir le bout du tunnel : « je bosse 70 heures par semaine sans pouvoir me payer, je n’accepte plus qu’un inspecteur aux 35 heures qui bénéficie de l’emploi à vie vienne m’expliquer comment faire mon travail… »

Jérôme est« naisseur » dans la Brenne, éleveur de bovins allaitants… Pour se développer il faudrait qu’il engraisse ses « broutards ». Mais il a calculé qu’il ne gagnerait à ce travail que 40 à 50 € par bête hors main d’œuvre. Beaucoup de travail pour rien. Il a renoncé et envoie ses bêtes se faire engraisser en Italie où les contraintes et les coûts de toutes natures sont moins forts.

Jean-Etienne a des mots durs. On sent percer la révolte sous sa pudeur naturelle. Il évoque avec passion son exploitation de 180 hectares, ses 40 vaches, ses milliers de volailles… 300 000 € de chiffre d’affaires et, à la fin, 700 € de salaire par mois, moins que le RSA couple… « Je ne m’en sortirais pas si ma femme ne travaillait pas, à côté, au club de foot de la Berrichonne de Châteauroux… qui n’est pas au mieux de sa forme… relégué en Nationale à la fin de la saison dernière. » Il s’arrête puis reprend : « vous savez, Monsieur Copé, il y a des agriculteurs qui sont à bout, qui se suicident tous les jours parce qu’on a notre fierté. C’est dur de se dire qu’on n’arrivera pas à transmettre une exploitation que nos parents et grands parents nous avaient léguée. On a un peu honte, c’est une souffrance. On fait des efforts, on ne compte pas nos heures, le politique nous dit qu’il faut continuer et puis l’administratif nous met des bâtons dans les roues et nous pointe du doigt sans arrêt. On en a assez de ces messages contradictoires… » Emouvant, digne. On ne peut pas laisser les choses comme cela.

Autre étape au nord de Châteauroux cette fois-ci. Visite de PGA Eletronic à Montierchaume. Atmosphère radicalement différente. PGA a été créée de rien il y a plus de 25 ans par des ingénieurs berrichons. Aujourd’hui, c’est le leader mondial de l’éclairage des cabines et du divertissement High Tech dans les avions. 230 salariés, 12 apprentis, 1 CDI en plus créé tous les mois, 80% de la production en France. L’entreprise a été rachetée en 2013 par l’américain Astronics Corporation coté au Nasdaq. Un industriel qui n’est pas là pour dépecer PGA mais pour l’aider à grandir. Bref, ça plane pour eux : une vraie « success story » dans le Berry ! Preuve que la réussite est possible dans nos territoires ! Il n’empêche qu’on retrouve quelques éléments du malaise français : PGA a de la peine à recruter assez d’ingénieurs et assez d’apprentis pour couvrir ses besoins.

A l’issue de la visite de leur chaîne d’assemblage dernier cri j’échange avec une quinzaine d’entrepreneurs de la région. Agro-alimentaire, édition, transports, artisanat… tous les secteurs sont représentés. Deux de ces patrons ont abandonné une carrière tranquille pour, à 50 ans, apprendre de nouveaux métiers et reprendre des entreprises. Belles prises de risque dans notre pays si frileux… Quel que soit le secteur, le discours est unanime et franc : « arrêtez de nous emmerder ! Trop de normes, trop de contrôles, trop de charges ! Laissez-nous bosser ! » Messages reçus 5 sur 5.

Dans tous les cas, je vois une nouvelle fois des exploitants et entrepreneurs qui n’en peuvent plus de subir ordres et contre-ordres, des injonctions contradictoires. Le politique leur dit à longueur de journée qu’il faut innover, investir, embaucher mais, en parallèle, il les place dans un environnement fiscal et réglementaire tellement étouffant que l’activité ne peut pas se développer… Cette schizophrénie rend fou ! Libérer les énergies, alléger le fardeau des contraintes, en finir avec l’étouffoir fiscal, lutter à armes égales contre les voisins allemands ou espagnols, voilà ce que demandent ces agriculteurs et patrons courageux. Ils feront le reste ! Cela tombe bien, cela fait des années que je dis que la liberté économique doit être au cœur du sursaut français…

Qu’en pensez-vous ? A bientôt,

JFC.

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