Victor

Mardi dernier. Quinze heures. La cathédrale Saint Étienne à Meaux est pleine à craquer. Devant l’autel, un cercueil blanc. Pour Victor. Il avait 30 ans je crois. Mais son visage, son corps, sa taille même, étaient ceux d’un enfant. Un petit prince.

Depuis les premières heures du début de sa vie, tout avait été plus dur pour lui que pour les autres. Les médecins, les services hospitaliers, les opérations les plus pointues, les prises de risque parfois les plus folles : remettre à chaque fois tout en jeu pour faire gagner la vie.

Et elle gagnait la vie ! Pour faire oublier qu’il entendait mal, il parlait beaucoup. Pour cacher sa difficulté avec l’abstraction il communiquait sur tout et avec tous. Pour ne jamais laisser penser qu’il vivait des autres, il travaillait à la mairie. Ce n’était jamais lui qu’il fallait plaindre. Interdit. « La consigne c’est la consigne », disait l’allumeur de réverbères…

Il portait une incroyable flamme intérieure qui avait une source : l’immense amour de ses parents et de sa sœur. Leurs larmes mardi, étaient les nôtres. Sa maman lui avait confié un rein. Son papa veillait sans cesse sur ses pas. En ville Victor était connu de tous. Pas question d’arpenter la rue piétonne d’une traite. Trop de gens qui le saluaient, l’interpellaient, l’embrassaient.

Et puis il y a eu cette grippe. Cette fichue grippe. Les journaux ont rapporté que cette année elle a été particulièrement meurtrière. Elle a chopé Victor. Il était plus vulnérable que d’autres. On ne pouvait pas prévoir.
« Un petit bonhomme qui nous a donné 30 ans de grand bonheur », me disait son papa ce matin.

J’ai pris l’habitude dans ce blog de disserter avec vous sur « le sursaut français »… Mais pas aujourd’hui. Nos vies sont trop souvent trépidantes, surchargées. On en oublierait presque la fragilité des hommes et des choses. De ces jardins sur lesquels on veille tant que l’on n’imagine pas un instant qu’ils puissent basculer sans trop prévenir…

Victor ? Un petit prince dans un cercueil blanc. Monté au ciel.

JFC

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