Revitaliser les cœurs de ville

Le 28 février dernier à Paris se sont tenues les Assises sur la revitalisation économique et commerciale des centres villes. Elles ont montré combien de nombreux centres de villes moyennes françaises, pourtant riches d’une identité qui est l’âme de nos territoires, souffrent d’une désaffection croissante. Ce triste constat a été relayé par une vive polémique entre le New-York Times et la municipalité d’Albi, prise comme exemple par le journal américain comme l’une de ces communes autrefois si vivantes et, aujourd’hui, guettées par l’endormissement… Ce sujet, si frappant pour de nombreux Français, est pourtant malheureusement peu évoqué au niveau national.

Quel est le constat ? Une part très importante des centres villes de moins de 100 000 habitants souffre d’un abandon d’une ampleur inédite et très préoccupante. Comment mesure-t-on cet abandon ? On estime qu’au-dessus de 5% (taux normal de roulement) de vacance des commerces un centre-ville commence à se désertifier. Au-dessus de 10% le problème devient grave. Or dans 27 villes de 10 000 à 100 000 habitants, ce taux est supérieur à 15%. A Béziers il y a même 24% de vacances commerciales. Le problème est similaire à Châtellerault, Forbach, Vierzon, Moulins, Calais, Dax, Pamiers, Nevers... Concrètement cela se traduit par des vitrines vides, des centres villes déclassés voire délabrés, des prix du logement qui s’effondrent, des populations qui partent… Ces villes, pour la plupart au passé historique prestigieux, meurent à petit feu et leurs habitants érpouvent un sentiment d’abandon ! Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la carte du vote FN épouse souvent celle de ces villes délaissées.

Les causes de cette dévitalisation de nos villes moyennes sont multiples : 30 ans de mondialisation à marche forcée ont conduit les activités économiques à se concentrer dans les grandes métropoles de plus de 100 000 habitants. Certains maires ont aussi leur part de responsabilité en ayant poussé au développement de zones commerciales démesurées en périphérie de leurs villes qui, outre le fait de défigurer les abords des agglomérations, ont mécaniquement fragilisé les petits commerces des cœurs de ville, aucune mobilisation n’ayant été prévue pour les soutenir.

Ce problème, je le connais bien, en « praticien », car Meaux est typiquement une ville dont le centre se dévitalisait et subissait une évasion importante vers des centres commerciaux en dehors de notre territoire. C’est pour cela que nous avons installé un centre commercial à proximité pour fixer les habitants sur notre territoire et lancé en même temps un plan Marshall de redynamisation commerciale, de rénovation de l’habitat et de mise à niveau des espaces publics du cœur de ville. Cela fonctionne : ces actions ont contribué à l’installation de près de 60 nouveaux commerces dans tous les quartiers du centre-ville de Meaux. Meaux est ainsi devenue lauréate du Programme National de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) lancé par le Ministère du logement.

Pour autant, nous arrivons aujourd’hui à la limite de nos possibilités pour redynamiser le centre-ville : nous avons contenu la désertification mais nous n’avons encore réussi à redynamiser complétement le cœur de ville avec un taux de vacance commerciale autour de 10%. Il faut donc aller plus loin et donner de nouveaux moyens aux villes moyennes de reconquérir leur cœur de ville.

C’est pour cela que je propose une mesure simple et d’effet immédiat : instaurer un dispositif de Zone Franche dans les centres villes des communes de moins de 100 000 habitants. Je m’inspire du dispositif des zones franches urbaines, destiné aux quartiers sensibles et qui a fait ses preuves (par exemple dans les quartiers de Beauval et Dunant à Meaux).

Les premières zones franches urbaines ont été créées en 1997. Elles devaient disparaître fin 2014 mais ont été reconduites jusqu’en 2020 sous l’appellation « ZFU-territoires entrepreneurs ». Au nombre de 100, les ZFU sont des quartiers de plus de 10 000 habitants, situés dans des zones défavorisées (chômage, personnes sorties du système scolaire sans diplôme, faible potentiel fiscal). Pour revitaliser l’économie de ces quartiers, les entreprises de moins de 50 salariés qui s’y sont implantées avant le 31 décembre 2020 bénéficient d’un dispositif d’exonérations d’impôt sur les bénéfices durant 5 ans. En 2009, l’INSEE avait noté que ce dispositif avait permis de créer 50 000 emplois dans ces zones pour un coût annuel d’environ 500 millions €.

Adaptons ce dispositif aux centres des villes moyennes dans le cadre de contrats qui permettraient aux maires d’élaborer, en lien avec les services de l’Etat, des stratégies adaptées aux besoins locaux (baisses des charges, facilitations d’installation, programme de rénovation des cœurs de ville, choix des activités bénéficiaires du dispositif …).

Une telle décision, avec un coût proche d’un demi-milliard €, pourrait être un signal fort qui montre que la République n’oublie pas les communes moyennes !

Cela peut permettre d’en finir avec la sinistrose et de faire revenir de l’activité, de la vie, du dynamisme dans ces centres qui, pour la plupart, ont un potentiel extraordinaire, mais sous exploité.

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