« Out is out ! »

Les Britanniques ont fait le choix de sortir de l’Union européenne. C’est une décision souveraine qu’il faut pleinement respecter. Il s’agit aussi d’en tirer toutes les conséquences avec fermeté et pragmatisme mais en prenant garde de ne pas céder à la démagogie et au populisme ambiants. L’événement ne peut pas être commenté comme n’importe quelle actualité et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité réagir « à chaud ».
Aujourd’hui, à tête reposée, je pense qu’il y a quatre enseignements à tirer du Brexit.

1. Les Britanniques ont fait un choix qui va leur coûter cher. A eux d’en assumer les responsabilités et d’en supporter les conséquences. Depuis leur entrée dans les Communautés européennes, les Britanniques ont joué avec le feu.

a) En n’étant jamais dans une optique collective de construction d’un projet politique européen. Ils se sont le plus souvent contenté de prendre ce qu’il y avait de mieux pour eux au niveau européen tout en refusant de participer à une ambition qui, pour aboutir, exigeait de mettre les égoïsmes de côté. C’est le fameux « I want my money back » de Margaret Thatcher et, plus généralement, le comportement franc-tireur du Royaume-Uni a fréquemment empêché l’Europe d’avancer dans le bon sens.

b) En tenant un discours europhobe qui a conditionné l’opinion publique britannique. Depuis des années, il est de coutume de lui expliquer que tout ce qui est bon vient du Royaume-Uni et tout ce qui vient de « Bruxelles » est mauvais. C’est oublier que l’essor spectaculaire de la City doit beaucoup à l’Europe ou que l’agriculture du Royaume a été portée à bout de bras par la PAC ! La campagne référendaire a été caricaturale et l’affiche de Nigel Farage de UKIP montrant une foule de migrants barbus aux portes de l’Europe n’est à cet égard que la quintessence de l’hystérie malsaine qui a dominé les débats.

Je crains pour nos amis Britanniques que le Brexit ne leur porte un grave coup. D’abord parce que le Royaume-Uni s’est très largement intégré au commerce européen (par exemple 45% des voitures produites sur le sol britannique sont exportées en Europe). Une sortie du marché commun, ce sont des barrières et des coûts supplémentaires, qui vont freiner l’économie britannique et détruire des emplois. Ensuite parce que certains secteurs notamment l’agriculture (je pense aux élevages gallois ou écossais) vont souffrir de la disparition du soutien financier européen. Enfin parce que le Royaume-Uni risque d’éclater. Le verdict des urnes est clair : l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont voté pour le « Bremain » tandis que l’Angleterre a choisi le Brexit. Ces nations peuvent très bien décider dans les mois qui viennent de quitter le Royaume-Uni pour reprendre leur indépendance et rester au sein de l’Europe. L’Angleterre pourrait alors se retrouver isolée comme jamais depuis des siècles.

2. La procédure référendaire est un défouloir qui mène régulièrement au désastre.
Il n’est que de voir ceux qui se réjouissent du résultat d’hier et appellent déjà à un Frexit : sans surprise, les extrêmes et populistes de tous poils. Et quand on leur répond que la proposition est irresponsable, immédiatement ils rétorquent qu’en démocratie, on ne saurait avoir peur du peuple. Fin du débat ? Certainement pas.

Il faut avoir le courage de dire que le référendum n’est pas la solution, qu’il s’agisse de l’avenir de l’Europe ou de toute autre décision. Bien sûr, le référendum donne la parole au peuple mais, contrairement à ce que l’on peut penser, il ne lui donne pas le pouvoir de décider. Au mieux, il lui offre l’occasion de réagir, sans nécessairement avoir tous les éléments en mains. D’ailleurs, l’histoire est constante : lors d’un référendum il est rare que les électeurs répondent à la question posée, les peurs du moment l’emportant sur les objectifs de long terme. Le fait que le dramatique assassinat de Jo Cox ait pu, à un instant, inverser la courbe des sondages, montre, s’il en était besoin, combien l’issue d’un référendum est liée à des évènements conjoncturels, incertains. Que cela nous serve de leçon ! Le référendum est surtout un instrument qui évite aux gouvernants d’avoir à décider. En cela, il est une perte de temps alors que c’est au moment de l’élection que celui que l’on choisit pour gouverner doit clairement dire sa vision et le sens de son action afin, une fois élu, agir !

C’est la raison pour laquelle, à la différence de nombre de mes concurrents dans la primaire de la droite et du centre, je suis hostile au recours au référendum. C’est lors de la campagne présidentielle que les choses doivent être mises sur la table et si évidemment l’Europe est un enjeu majeur, je ne vois pas pourquoi il faudrait demander aux Français de confirmer la feuille de route qu’ils ont choisie en élisant le président de la République dès lors que son programme sera clair, chiffré et précis, sur le sujet européen comme sur tous les autres. Gouverner, c’est agir ! Et l’Europe paie elle aussi assez cher le prix de son manque de leadership. Demander au peuple de décider du maintien dans l’Union européenne, c’est d’abord avouer que l’on s’est fait élire sans avoir d’idée sur la question et faire le choix de l’absence de responsabilité dans la prise de décision. L’avenir de l’Europe sera un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle française de 2017.

A cet égard, David Cameron qui, par ailleurs a obtenu des résultats économiques spectaculaires, a commis une erreur. Acculé par de mauvais sondages il y a deux ans, il a dégainé la promesse du référendum pour des motifs de tactique politicienne. Il a certes emporté les élections mais se trouve contraint à la démission après avoir engagé le Royaume-Uni sur la voie de l’incertitude. Ce n’est pas être un homme d’Etat que jouer l’avenir d’un pays à la roulette russe pour des considérations démagogiques !

3. L’Europe doit préserver ses acquis positifs et se réformer radicalement pour contrer sa principale fragilité qui réside dans son absence de résultats en ce qui concerne la maîtrise de l’immigration et la protection de ses citoyens. De toute évidence, le Brexit est un aveu brutal d’échec pour l’Europe qui n’a pas su garder en son sein l’une de ses principaux membres. C’est l’Europe trop technocratique, trop lointaine, trop désincarnée, trop inefficace qui est fustigée par ce vote. Pour survivre et perdurer – ce que je souhaite !- l’Europe doit agir de manière différente. Les blessures des moments européens ratés – Maastricht, le traité constitutionnel de 2004 – sont à peine cicatrisées. De grâce, ne les rouvrons pas en remettant sur la table des propositions de nouveaux traités ou de nouveaux référendums qui, au bout de mois de discussions byzantines, risquent de nous mener à des divisions irréversibles ! Nous n’avons pas besoin de traités mais de volonté politique ! Il faut sortir des grands débats théoriques et, pour que l’Europe soit un facteur de progrès, admettre que tout n’est pas possible à 28. L’Europe doit différencier ses périmètres, admettre qu’il y ait plusieurs cercles, pour les mettre en adéquation avec ses objectifs. Parmi ces cercles, il y a, d’abord, le couple franco-allemand. Son fonctionnement était perturbé par l’intrusion britannique alors que rien de grand en Europe ne s’est fait sans son impulsion. Il a toujours été et doit rester un moteur dans la construction européenne. La France doit y retrouver sa place en étant un partenaire crédible dans une relation équilibrée. Il y a, ensuite, l’Europe des 19 : la zone euro. Il faut faire en sorte qu’elle ne soit plus hémiplégique, cantonnée au monétaire, quand la coordination budgétaire et économique est indispensable à sa survie. Et puis, enfin, il y a les autres cercles, ceux qui existent (Schengen, qu’il ne faut pas abandonner mais réformer de manière à vraiment contrôler les frontières extérieures) et ceux qui pourraient être créés. Il s’agit d’utiliser cet instrument que les traités appellent les « coopérations renforcées » et qui permet à des États de bonne volonté de réaliser ensemble une politique commune qui, peut-être un jour, pourra être ralliée par d’autres. Je pense à une Europe de la défense que nous devons construire avec l’Allemagne, face à la montée de la menace du terrorisme islamiste, je pense à une Europe de l’Energie ou à une Europe de la recherche… C’est le pragmatisme qui a construit l’Europe. C’est le pragmatisme qui permettra de la faire progresser pas les chimères sur d’improbables traités…

4. Enfin, ce Brexit doit être une chance pour l’Europe continentale en général et pour la France en particulier. Soyons très clairs : le Royaume-Uni a décidé de nous quitter de manière unilatérale, il n’est pas question qu’il bénéficie d’un régime européen de faveur qui maintiendrait les avantages dont il bénéficie aujourd’hui ! « Out is out » ! Le départ du Royaume-Uni doit être enclenché immédiatement, comme le prévoient les traités, et l’Europe doit, sans scrupule, mettre en œuvre les politiques nécessaires pour rapatrier sur le continent les activités européennes qui s’étaient implantées sur le sol britannique. Ainsi, la City ne peut plus continuer à être la place financière de l’Europe. Ses activités (qui pèsent pour 12% du PIB britannique et 2 millions d’emplois) ont vocation à être rapatriées à Paris. A nous de construire un environnement économique fiscal et économique assez attractif pour cela. Dans la même logique, il faut profiter du Brexit pour prendre des parts de marchés sur l’économie britannique (secteur financier donc, mais aussi agriculture ou construction automobile)… Il ne s’agit pas de « punir » le Royaume-Uni, mais simplement de tirer parti d’une décision d’un Etat ami qui décide de faire cavalier seul.

Le Brexit est un tournant dans l’histoire européenne. Si nos dirigeants en prennent la mesure il peut être une chance pour relancer le projet européen et renforcer la France. A condition de ne pas céder à la démagogie et à la dramaturgie. Les épreuves sont des opportunités de grandir !

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